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Une histoire parmi tant d'autres
Posté par tiare73 le 12/08/2006 00:00:01
C'était il y a dix ans. A l'époque, j'avais 16 ans. C'était un lundi et j'allais comme tous les jours de la semaine sauf le jeudi, à une leçon de code. J'étais vraiment très heureuse : les oiseaux chantaient, il faisait beau et chaud (un peu trop à mon goût). J'ai vu un chat noir sur ma route, il était tellement mignon que je n'ai pas résisté et que je l'ai caressé. Donc, je me suis approchée tout doucement et j'ai tendu la main, en faisant attention à ce qu'il ne prenne pas peur. Mais je me suis trouvée déséquilibrée (sûrement une pierre sui traînait par là et je suis tombée à côté du chat. Malheureusement pour moi, celui-ci prit peur et s'est jeté sur moi, croyant que je lui voulais du mal. Et c'est à ce moment-là qu'il a sauté sur mon bras, qu'il m'a griffé de toutes ses forces, et qu'il m'a même arraché un bout de chair. Au début, je me défendais, je cherchais à me relever, à me défendre et puis j'ai fini par comprendre que plus je cherchais à le faire et plus il se jetait sur moi comme un banal bout de viande. Donc j'ai décidé de ne plus bouger et de faire le mort. Astuce banale mais qui m'a pourtant sauvée la vie ! Au bout de cinq bonnes minutes, le monstre a décidé de me laisser et est parti.
Et là, je me suis évanouie. Quand je me suis réveillée tout d'abord, c'était le brouillard tout autour de moi, je ne distinguais rien, j'entendais seulement des voix puis j'ai fini par comprendre que j'étais à l'hôpital car je sentais cette odeur de médicaments, de maladie... Et il y avait aussi tout plein de tuyaux autour de moi. Il devait faire nuit car dehors, c'était très sombre.


Le réveil

Le temps que je me réveille en plein et que je voie la réalité, il a très certainement dû se passer une petite demi heure, tellement ils m'avaient assommée de médicaments pour enlever la douleur. Puis, une infirmière entra et me raconta ce qui s'était passée : un chat m'avait griffé sur tout mon corps et m'avait également mangé un morceau de chair de mon bras (d'ailleurs, je vis que mon bras était entouré d'un important bandage), puis un jeune homme avait téléphoné aux secours. D'ailleurs, celui-ci avait fini par revenir aux urgences, non pour prendre de mes nouvelles mais parce-qu'il était lui-même blessé gravement. Quand les secours sont arrivés, ils m'ont trouvée inconsciente. C'était il y a une semaine : en effet, ils m'ont d'abord opérée, mais j'étais tombée dans le coma et me voilà.
Mes parents arrivèrent environ un quart d'heure plus tard. Ils furent bouleversés de me voir dans cet état, avec tous ces tuyaux, ces bandages et ces machines qui m'entouraient. Il faut dire que même s'il venaient tous les jours, pendant plusieurs heures, c'était toujours très impressionnant à voir : une machine surveillait ma tension, une autre m'injectait de la morphine à travers un long tuyau qui finissait dans le creux de mon bras...
Enfin bref, ils vinrent me déposer un baiser sur mon front et vinrent me rassurer :
" bonjour ma chérie, ça va ? Tu n'as pas trop mal au bras ? Tu te sens fatiguée ? Tu veux boire ? Tu veux manger un morceau ? Tu as besoin d... ?
- ola, ola ! On se calme maman !!! On inspire hmmm... On expire pff. C'est bon là ?
-oui excuses moi ma chérie, mais j'ai eu tellement peur quand j'ai appris la nouvelle, tu comprends. J'avais peur de te perdre, tu es tellement jeune...
- maman ! Le principal c'est que je suis là aujourd'hui, vivante, certes fatiguée mais en bonne santé, et puis en ce qui concerne mon bras, ça devrait vite passer, pas vrai ?... Maman... Qu'est ce que tu me caches ?
- le docteur t'en dira plus, il va bientôt passer. D'ailleurs, le voilà. Bonjour docteur.
-bonjour madame beraudier, Carine. Ca va ? T'as eu un bon réveil ? Pas de nausées ? "
Pendant qu'il me parlait, il m'examinait, il prenait mon pouls, regardait mon bras.
" carine, il va falloir que je te dises quelque chose au sujet de ton bras : il est vrai que l'opération s'est déroulée sans soucis et même si tu es restée dans le coma pendant une semaine, il ne faut pas t'inquiéter pour cela car déjà tu as survécu jusqu'à l'hôpital, ce qui est déjà bien, tu as survécu à l'opération qui était pourtant très lourde, et tu as perdu beaucoup de sang. Je sais que j'aurais dû prendre des gants, mais tu es grande et je ne veux rien te cacher. Voilà où je veux en venir : la blessure dans ton bras est vraiment profonde et une des artères principales ainsi que des nerfs ont été sectionnés... "
Il se passa environ une minute avant qu'il ne m'annonce la terrible vérité :
" alors voilà, je vais aller droit au but : ta main a perdu toute sensibilité, ... Tu as perdu ta main et je doute qu'un kinésithérapeute puisse arranger cela. Car même si nous avons essayé de raccorder les nerfs durant l'opération, c'était beaucoup trop risqué.
-mais vous pouvez pas prendre des bouts de nerfs ailleurs dans mon corps, ou... Sur des donneurs ?
-Non, tous les nerfs sont importants et il est impossible de les sectionner même un peu. Et même si nous essayions ce serait beaucoup trop risqué : tu pourrais perdre l'usage de ton bras, voire même être totalement paralysée.
-mais avec toutes les nouvelles technologies qui existent, aujourd'hui, il doit bien y avoir un moyen ?
-elles sont beaucoup trop risquées, elles n'en sont qu'au stade expérimental. Aucune recherche n'a réussi. Je suis désolé. "


La rencontre

Ce discours m'anéantit totalement je ne pouvais imaginer mon futur avec une seule main. Moi qui voulais être secrétaire ! Puis soudain, j'eus un moment d'absence...
Je finis par me réveiller dans une autre salle, ou du moins, c'est ce que je croyais mais en fait, j'avais juste un nouveau voisin, mais j'étais tellement sonnée que je ne le réalisais pas tout de suite. C'est lui qui fit le premier pas :
" salut, moi c'est loic et toi ?
-hmm quoi ?
-é oh ! Tu sais où t'es ?
-à en juger par le type de matériel qui compose la chambre et tous ces tuyaux ainsi que ces odeurs, je dois être à l'hosto.
- bravo ! Ça va ? T'as pas l'air dans ton assiette ?
- je vais peut être perdre l'usage de ma main, c'est même sûr d'ailleurs, je me sens flotter, je sais même pas quel jour ni quelle heure il peut être...
- on est vendredi 24 juin, il est à peu près 15h30.
-merci
- ya pas de soucis. Et arrête de te plaindre, stopli, parce que, d'accord t'as perdu ta main et si ça se trouve tu es droitière.
-oui, je le suis
-bon, je comprend ton désarroi, et à ta place je suis sûr que je ferais la même chose mais dans d'autre circonstances que celles -là. Si tu veux, on se raconte mutuellement comment on en est arrivés là. Ok ?
- ok.
- honneur aux filles.
-en fait, c'était un lundi et puis j'allais à mon cours de code. Et puis j'ai rencontré un chat noir sur ma route, j'ai voulu le caresser mais il a du prendre peur car il s'est jeté sur moi comme un banal bout de viande il m'a arraché un morceau de chair et puis il a fini par partir. Juste après que je m'aperçoive qu'il était parti, j'ai eu un blanc et je me suis réveillée à l'hôpital, dans ce même lit.
-oula, c'est moche. Attends, arrête de pleurer, ça servira à rien, on y peux rien. C'est juste un mauvais coup du sort mais dis toi que t'es en bonne santé, en vie et que tu es hors de danger. Tu voulais faire quoi, plus tard comme métier ?
- secrétaire, ou alors dans la comptabilité.
- ah d'accord, mais tu peux toujours rester dans cette branche même si t'as plus qu'une main. T'as qu'à penser au capitaine crochet ou... Je sais pas mais tu vas survivre de toute façon, c'est pas parce qu'il te manque une main que forcément, elle va t'empêcher de vivre heureuse. Penses à certaines personnes qui ont perdu plusieurs de leurs membres à cause des bombes, ou des guerres, penses à ceux qui ont tout perdu dans des incendies, des attaques terroristes penses aux tours jumelles, penses à toutes les victimes du tsunami en Asie du sud ceux là n'ont eu aucune chance de survivre. Et penses aussi à ceux qui sont condamnés par des maladies graves telles que le sida ou le cancer ou en encore une tumeur...
- c'est ton cas ?
- oui.
- tu as quoi ?
- le sida. "
La conversation s'acheva là. Nous ne trouvâmes plus rien à dire. Mais je tentai tout de même quelque chose :
" mais, ça fait combien de temps que tu le sais ?
- environ cinq ans. Ça me vient de ma mère, on l'a su quand elle est morte, j'avais 11 ans. J'ai fait des tests et j'ai découvert que j'étais séropositif moi aussi et depuis, je partage ma vie entre l'orphelinat et l'hosto pour essayer de vaincre cette p***** de maladie.
- et tu es déjà tombé malade à cause d'elle ?
- nan. Elle s'est pas encore déclarée dans mon corps donc j'ai encore une chance de la vaincre avant que je tombe vraiment malade. C'est pour ça que je passe mon temps entre l'hosto, les médecins, et les cours par correspondance.
- oh. ça doit pas être évident tous les jours.
- non, mais je fais avec. Tu sais avec le temps, on finit par s'y habituer.
- mais tu as des amis ou de la famille, pour te rendre visite ?
- non, aucun ami, ils ont tous mystérieusement disparu depuis que je leur ai appris pour ma maladie.
- pff ils sont vraiment bêtes !
- comme tu dis.
- mais tu m'as toujours pas parlé de ton père. Il est où ? Il vient te voir ? Et ta famille ?
- j'ai pas de père.
- comment ça ?
- il est mort pour moi le jour où il m'a battu et qu'il est parti. C'était le soir ou ma mère est morte
- tu veux dire... ?
- oui. C'est lui qui l'a tué. Il est en prison maintenant. Je ne l'ai jamais revu depuis.
- mais ça fait cinq ans, il y a prescription maintenant ! Et puis il purge sa dette. Tu devrais lui rendre visite.
-pas question. "
La conversation stoppa net. Il ne me reparla plus jusqu'au lendemain. D'ici la, je reçus de la visite : mes parents et quelques amis qui ont été tenus au courant. Je reçus des fleurs, des peluches, des livres... Et même quelques gourmandises ! J'étais certes heureuse de tout et j'en oubliais même mon bras, mais ce qui m'inquiétais le plus, c'était loic. Il ne bougeait plus, je suppose qu'il ruminait des pensées noires. Je prétextai que je commençais à être fatiguée et expédiai ainsi tous mes visiteurs. Il m'en coûtait un peu mais je devais absolument parler a loic.
" loic, qu'est ce qui se passe ? C'est de ma faute ? Je t'ai fait du mal ? J'ai parlé trop vite ? Je n'aurais pas dû t'amener à ce sujet ? Parles !!!
- écoutes, je commençais à peine à oublier cette période de ma vie, j'arrivais à repartir dans une nouvelle vie même si elle n'était pas forcément plus évidente et puis là, il y a tout qui ressort : mon père qui me battait, qui m'a abandonné, son emprisonnement et puis ma mère qui avait le sida, qui me l'a repassé...
-elle y peut rien !
- oui, je veux bien mais ya pas que ça ! Y a aussi le fait qu'elle soit morte parce que mon père la battait parce qu'elle était séropositive et qu'elle ne l'avait pas tenue au courant, et puis le fait qu'ils avaient des problèmes d'alcool et d'drogue. C'était trop a supporter. Ils ont peut être pu l'envoyer en prison mais il restera toujours le même pour moi : un monstre qui a bousillé ma vie. Un jour j'ai tenté de faire une tentative de suicide a forte dose de médicaments et d'alcool et j'ai été a l'hôpital et c'est là qu'on a découvert que j'avais le sida.
- je suis vraiment désolée
- je veux pas de ta pitié.
- c'est pas de la pitié que je t'offres, c'est de l'amitié.
- pourquoi tu m'offres ton amitié ? Je la mérite pas.
- mais arrête d'être si pessimiste ! Tout à lheure, tu m'as remonté le moral je tiens à faire pareil avec toi. Tiens, tu veux des chocolats, ou des bonbons ? !
- nan.
- mais y en a beaucoup trop pour moi ! Tu veux vraiment pas m'aider ? Regardes, y a des ours en chocolats, des bonbons gélifiés, des fraises tagada, des marshmallows, mais y a aussi du chocolat blanc, noir, au lait, avec des fruits... Et encore, j'en zappe ! (loic montra soudain un semblant dintérêt à mon discours...)
- t'as vraiment de tout ça ?
- ben, avec toute les visites que j'ai reçu, j'ai eu de nombreux petits présents, tu sais ! Si tu t'ouvrais un peu plus aux autres, je suis sûre que tu pourrais en avoir autant !
- pff, je suis sûr que tu racontes des cracks, comment veux tu que j'aie tant d'amis avec ma maladie ? ! C'est tout simplement impossible, ils prennent tous la poudre d'escampette dès que je leur en parle !
- c'est n'importe quoi tout ça ! Je suis sûre que si tu te concentrais un peu moins sur ta maladie et que tu t'extériorisait plus, tu pourrais faire des miracles. C'est pas une maladie qui doit pourrir ta vie d'adolescent. Parce que imagines toi dans une vingtaine d'années, tu seras vieux, tout ridé, fatigué par ton travail, épuisé par toutes ces années de dur labeur.
- mais il y a trop peu de chances pour que je m'en sorte, ça vaut pas le coup de rêver.
- tu sais, si tu rêves pas t'arriveras pas à vivre heureux. Donc je reprends où j'en étais. Tu es vieux, usé par le temps et puis vient la crise de la quarantaine. Et tu fais un retour en arrière à l'époque où t'étais ado. Et tu te dis que t'as vraiment foutu en l'air ton adolescence à te creuser le chou pour savoir si t'allais survivre à cette saleté de maladie qu'est le sida, alors que tu l'as vaincu en très peu de temps. Mais quand t'en as eu fini avec cette histoire, c'était l'époque pour toi de bosser. Mais tu avais environ une vingtaine d'années et il fallait que tu te remettes sérieusement à tes études pour tenter d'avoir un bon boulot et ainsi t'auras foutu ta vie en l'air. Alors que si tu réagissais maintenant, que t'arrêtais de te morfondre dans ton coin et que tu regardais vraiment le monde autour de toi, je suis sûre que tu te sentirais mieux et alors peut -être que tu pourrais même vivre plus longtemps ! Qu'est ce que t'en penses ?
- c'est vrai que entendu comme ça, on aurait rien à redire.
- mais ?
- y a pas de " mais " je suis d'accord avec toi, mais j'ai besoin de conseils par contre.
- y a aucun soucis pour toi. Par exemple, je pourrais te présenter quelques uns de mes amis et puis on pourrait faire des sorties, aller au ciné, faire du shopping en plus c'est les soldes et tu pourrais même changer ta garde robe, après tout, pourquoi pas ?
- tu la trouves si nulle ma garde robe ? !
- ben disons que c'est plutôt d'un autre âge ce genre de fringues.
- tu juges les gens sur leur apparence ?
- nan, mais c'est juste que si tu mettais des vêtements un peu moins conventionnels, par exemple que tu troques ton sweater gris, ton pantalon noir et tes mocassins contre ne serait ce qu'un simple maillot, et des baskets, bon à la rigueur on garde le pantalon.
- c'est vrai que ça commence à faire pas mal de temps que je porte ça. Mais comme personne ne m'en tenait rigueur alors voilà. Et puis j'avais pas trop envie de penser à ce genre de choses.
- ah. Mais qui c'est qui m'a dit tout à l'heure qui fallait arrêter de s'apitoyer sur son sort ? ! Qui fallait prendre la vie comme elle vient ? !
- mouais, bon, ok, j'ai du fric de toute façon alors c'est bon !
- alors, demain, on se tire de cet hôpital pourri et on fait les magasins en plus c'est les soldes alors même si on achète des tonnes de fringues, c'est pas grave puisque on fera des économies quand même et puis on pourra aussi acheter plus pour le même prix !
- d'accord.
- on dit pas d'accord avec si peu d'entrain. On dit " oui, chef ! "
- oui chef ! À vos ordres chef !
- c'est déjà mieux. Bon, alors maintenant on va prendre une bonne nuit de repos et si c'est possible, on fait ça, ok ?
- ok ! "

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