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Richie Lontulungu : qui reconstruira l'homme d'Etienne Tshisekedi ?
Posté par richie ronsard le 26/07/2017 00:00:01
L'Opposition politique Congolaise s'est mise à bouger et personne n'est capable d'arrêter le mouvement. La glace est définitivement rompue. Le dégel débouche-t-il sur un ruisseau, sur une cascade, sur un torrent, sur une avalanche irrésistible ? Il est trop tôt pour répondre à cette question. Mais l'essentiel c'est que cela bouge ! Le peuple Congolais, la Communauté Internationale, l'humanité toute entière peuvent en tirer des leçons. L'Opposition n'est plus comme avant. Adieu Tshisekedi ! Génie de Kabeya Kamwanga.

Plusieurs ouvrages ont été écrits en un temps record pour expliquer les divergences verticales qui secouent le grand rassemblement des forces politiques d'Opposition, mais aucun d'entre les ouvrages n'a pu clairement élucider ce vent irrésistible que je prédisais déjà dans mon article : L'heure de la politique multipolaire a-t-elle sonnée pour la RDC ? Paru au mois de février de cette année.

Les analystes ont su prouver plus d'une fois que l'unité-apparente au sein de ce regroupement politique ne tenait qu'au bout d'un fil et, ce fil n'était rien d'autre qu'Etienne Tshisekedi. Si la course à la montre s'est arrêtée pour "Ya Tshitshi" comme aimait l'appeler affectueusement les Kinois, néanmoins le Rassemblement dans Toute sa Diversité reste une dernière dans une série d'inventions politique de Tshisekedi en temps de crise. On se souviendra de l'Union Sacré de l'Opposition fondée en marge de la Conférence Nationale Souveraine (CNS).

Mieux cerner la complexité de la crise qui sévît au sein du RASSOP amène à comprendre au préalable l'homme Tshisekedi dans toutes ses dimensions. Tshisekedi était un homme multidimensionnel et donc, complexe. Une véritable machine à bloc. Deux dimensions ou pôles ont longuement caractérisé celui-ci. On se souvient de Tshisekedi récalcitrant et de Tshisekedi diplomate. La vie de cet homme est marquée par la recherche de l'équilibre entre ces deux dimensions qui s'excluaient pourtant mutuellement. On savait de Tshisekedi qu'il pouvait enthousiasmer les masses populaires à prendre la rue quand il le désirait, à s'offrir volontiers des journées chômées. On savait aussi de lui quelqu'un qui maitrisait l'art du deal. L'habileté maoeuvrière et opportuniste de ce personnage n'était plus à démontrer au fil du temps. D'un fait très récent, au moment où les masses populaires attendent qu'il appelle à des mobilisations de masse en contrepoids au régime, il est le premier à se rendre au Centre Interdiocésain à l'approche de la date butoir du 19 décembre 2016 marquant ainsi le début formel des discussions après plusieurs mois d'attentisme et d'hésitations.

Contrairement au régime de Mobutu où le côté récalcitrant a quelque peu dominé en Tshisekedi, avec Joseph Kabila, ce sont des négociations jusqu'à l'infinie. D'abord parce que celui-ci reconnait au Chef de l'Etat l'habileté de négocier et de faire des concessions. Mais aussi qu'il se retrouve face à un homme peu parleur et difficile à pénétrer. Face à Kabila, cet homme aux dents d'acier derrière un sourire aguichant, Tshisekedi savait que le schéma populiste et vibrant avait très peu de chance d'aboutir. Toutes les fois qu'il a tenté de faire le mélomane, Tshisekedi a eu beaucoup de mal à trouver un répondant dans l'autre bout du fil. Contrairement au feu le Président Désiré Mobutu quelques fois chefs d'orchestres et qui se chargeait personnellement du jet d'encre sur ses adversaires, Joseph Kabila appartient à une génération qui est portée naturellement à dédramatiser les problèmes, une génération installée dans ses positions et naturellement encline à une vision technocratique des choses.

Il faut noter de prime à bord que lorsqu'il fonde le Rassemblement, chacune de forces politiques et sociales qui venait à s'allier à ce courant s'identifiait tantôt à l'une ou tantôt à l'autre dimension de Tshisekedi. Chacun croyait indiscutablement que l'une de ces deux dimensions de Tshisekedi allait conduire à l'alternance. Il y'a en parmi ceux qui s'y sont joint parce qu'ils pensent que le changement passent par la révolution. Par des actions de masse et imprévisibles. Ceux-là s'identifiaient le mieux à cette dimension récalcitrante de Tshisekedi. Des gens qui naturellement ont de l'appétit pour les gestes répulsifs et récalcitrants, le goût pour le face-à-face. D'autres par contre s'y sont joints s'identifiant avec le côté diplomatique de Tshisekedi. Ceux-là, Genève sont de ceux qui se disent que seule la voie gradualiste conduit au changement, non la voie révolutionnaire. Mais aussi, si on étudie attentivement l'histoire des derniers siècles, on s'aperçoit cependant que les révolutions sont les produits des contradictions sociales et politiques exacerbées, et non de conspirations de "chefs d'orchestre" occultes, quels qu'ils soient. Donc, ceux qui se sont joints à la dimension diplomatique de Tshisekedi s'affirment plus nettement pour ce qui est devenue une tradition en République Démocratique du Congo, le dialogue. On peut alors les classifier dans l'aile libérale Tshisekediste. Voilà, c'est de cette façon que Tshisekedi a incarnait un centre pour l'union des hommes.

A la mort de Tshisekedi, concilier cette dualité (radicale et libérale) devient difficile si pas impossible. Pendant que les deux camps s'affirment incarner le combat politique d'Etienne Tshisekedi, la ligne conductrice ne demeure pas pourtant la même et moins encore les motivations. La faction de ce regroupement qui est encline à une vision révolutionnaire pensent que mieux poursuivre le combat de Tshisekedi appelle à organiser les manifestations de rue, à bouter au passage l'ordre publique, à appeler à des villes mortes et autres. C'est la tendance le rassemblement qui croit que seul le coup de gueule et le pouce-pouce tranchera sur la crise. L'autre aile estime à son tour qu'il faut poursuivre avec la voie des négociations mouches et publiques. Il faut composer avec le pouvoir. C'est l'avis des modérés ou l'aile libérale Tshisekediste. Face à cette dualité et face à la disparition de l'homme qui incarnait un centre pour l'union, il devient alors difficile de concilier les appétits de ces deux camps qui dans leurs fonds ressortent les contradictions qui ont toujours caractérisé l'opposition politique congolaise. Cette légende de Tshisekedi, de l'homme qui savait parler français pour plaire et le lingala-facile pour enthousiasmer les masses populaires a à jamais disparue. Même son fils biologique n'a pas hérité de la dualité cosmique de son père. Lui, comme les autres, est à catégoriser que dans une aile spécifique.

Entre les deux aires qui se revendiquent de Tshisekedi, qui a pris la part de la raison et le bon côté de l'histoire ? Difficile de prédire l'avenir mais une chose est sûr comme nous l'avions énoncé précédemment : si on étudie attentivement l'histoire des derniers siècles, on s'aperçoit cependant que les révolutions sont les produits de contradictions sociales exacerbées, et non de conspirations de "chefs d'orchestres" occultes, quels qu'ils soient.
La conception matérialiste de l'histoire s'oppose à la conception policière de l'histoire. Une réalité échappe à tout le monde c'est que tout chemin ne mène pas à Rome.

Une évidence est claire aujourd'hui, le peuple Congolais ne sait vraiment à quelle aire du courant Tshisekediste s'associer. Difficile d'incarner la lutte de Tshisekedi car pour le peuple, chacun de ces camps présente des incohérences et des insuffisances. L'homme Tshisekedi devient ainsi difficile à reconstruire et tous ces faits ne peuvent que favoriser la déresponsabilisation des masses et le dysfonctionnement de l'opposition. A chaque occasion, les masses populaires utiliseront la légende de Tshisekedi pour remettre en question les mesures concrètes de chacun des mouvements. Les signes se sont déjà mis à se manifester avec le retournement inédit de son fils biologique après avoir agréée avec le Gouvernement d'enterrer son défunt père dans un carré spécial aménagé au cimetière de la Gombe sous la pression des militants (combattants).

Parce que les sympathisants sont restés nostalgiques à Tshisekedi, ils auront du mal à être rassasiés des thèses de chacune de deux airesce qui dépeint clairement l'insatisfaction des masses. Une question se pose : l'héritage politique d'Etienne Tshisekedi est-il appelé à disparaitre dans le futur avec l'effondrement de ces deux tendances ? Il est trop tôt pour répondre à cette question mais une chose est certaine, rien ne sera plus comme avant.

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