La fille dans la littérature jeunesse (époque victorienne - aujourd'hu Posté par ginger_bread_woman le 18/05/2012 00:05:54
La relation existant entre filles (héroïnes) et littérature jeunesse a toujours été complexe. Nous allons ici évoquer la situation des filles dans les livres pour enfants à partir de la fin du 19e siècle qui est une période à partir de laquelle cette forme de littérature s'est développée, particulièrement dans l'Angleterre Victorienne.
A quoi ressemblait un livre pour enfant à la fin du 19e siècle ? Cela dépend de quel coté on se situe, fille ou garçon. Pour cela, il faut tout d'abord considérer la situation qui existait entre hommes et femmes en général à l'époque.
C'est une des particularités la plus connues concernant l'ère victorienne : la disparité, que ce soit concernant la situation sociale (cf les extrêmement pauvres cohabitant avec les extrêmement riches de Londres) ou la différence de statut social entre hommes et femmes.
La situation a évidemment bien changé comme n'importe quel film traitant de l'époque victorienne peut vous le démontrer. Les femmes, à ce moment, ne travaillaient pas encore et étaient absolument dépendantes de leurs pères / maris. L'instruction et l'éducation qui leur étaient fournis étaient très restreinte, ceci pour deux raisons. La première, en une belle métaphore : leur instruction était aussi restreinte que leur droit de motion. Les petites filles passaient la plupart du temps à la nursery où un tuteur venait leur enseigner les préceptes que doivent suivre toute jeunes fille respectable. La deuxième enfin concerne l'instruction en elle-même : dans la mesure où les filles ne pouvaient aspirer à de grandes carrières (vu qu'elles ne travaillaient pas), l'éducation donnée était beaucoup plus pratique et centrée sur l' " art " ménager ainsi que sur les valeurs et vertus auxquelles les filles devaient adhérer.
Parallèlement à cela, être un petit garçon à l'époque, c'était jouir d'une plus grande liberté. Certains allaient à l'école et, en tant que futurs hommes, les garçons avaient droit à de vrais livres d'aventures. Ainsi, on privilégiait des classiques tels que Robinson Crusoe, Les Voyages de Gulliver ou encore Ivanhoe. Comme les titres l'attestent rien qu'au premier coup d'oeil, les protagonistes sont tous des hommes. De plus, ces trois œuvres manquent d'une façon cruelle de personnages féminins : il n'y a pas de femme dans Robinson Crusoe par exemple, tandis que Les Voyages de Gulliver compte une petite poignée de fille/femme. Ces livres étaient extraordinaires dans leur imaginaire : les héros vivent des aventures incroyables, partent en quête de ce qu'ils sont. Ces livres avaient pour but de montrer aux jeunes garçons qu'un jour eux aussi seraient puissants et capables de prendre leur destin en main.
Quelle situation pour les filles ? Comme nous l'avons vu, les hommes et les femmes étant traités différemment à l'époque, il n'est pas étonnant d'apprendre que fille et garçon était représentés de façon différente dans les livres jeunesse de l'époque. Si les garçons étaient encouragés à imaginer leur future vie comme pleine d'aventures et de pouvoir, on montrait aux petites filles les valeurs auxquelles elles devraient adhérer. On leur servait des livres didactiques et moralisateurs, des histoires où l'héroïne ne partait plus en quête d'aventure mais en quête de la vertu et de la bienséance. En d'autres mots, lectrice et héroïne de l'époque se ressemblaient comme deux gouttes d'eau : passive, cantonnée à la nursery et apprenant comment devenir une bonne mère et une bonne épouse. Évidemment, c'était là les deux seules professions auxquelles une jeune fille pouvait aspirer à l'époque : après avoir dépendu de leur père, les filles devaient se reposer sur leur mari, qui gérerait toute leur vie. Ainsi, la représentation de la fille dans le livre pour enfants à l'époque victorienne était parfaitement conforme à la réalité.
La situation a commencé, cela dit, à changer au début du 20e siècle, et plus particulièrement entre les deux guerres mondiales. Différents facteurs ont participé à cette transformation : l'éducation, la marche de l'histoire elle même etc...
L'éducation commence à réellement se démocratise en Angleterre : de plus en plus de jeunes filles sont admises dans les universités et obtiennent des diplômes conséquents. Les femmes se mettent petit à petit à travailler ; on commence à remettre en question le soit disant " métier naturel " des femmes (mettre des enfants au monde). Les femmes prouvent en effet lors de la première, mais surtout la seconde guerre mondiale qu'elles ont une conscience politique, mais aussi des idéaux. Pendant que les hommes se battent sur le front, les femmes les ont soit suivis, soit les assistent à distance. Vous connaissez sans doute la fameuse Rosie The Riveter et son non moins fameux " we can do it " : les femmes travaillent dans les usines, poursuivent l'armement du pays ou se présentent en tant qu'infirmière sur le front. Elles combattent également en tant que pilotes ou même de résistantes. On leur reconnaît du courage, de la détermination, mais aussi de la force physique et mentale.
Représenter LA demoiselle en détresse dans la littérature jeunesse devient de moins en moins possible : comment montrer une fille passive aux enfants de la guerre qui savent que les femmes ont joué un rôle clé ? C'est à partir de là que les filles prennent une place plus importante, que ce soit en tant que simple personnage (meilleure représentation – moins de stéréotypes) ou en tant qu'héroïne : de plus en plus de filles deviennent en effet les personnages principaux de leurs histoires. Evoquons par exemple Fantomette (les trois personnages principaux sont tous des filles), ou Harriet the Spy etc...
Ce qui a réellement changé pour la fille en littérature de jeunesse, c'est le choix. Comme nous l'avons vu plus haut, les petites filles avaient droit à très peu de droit / choix. Leur vie était réglée comme du papier à musique et elles ne pouvaient pas faire ce qu'elles désiraient. A partir des années 70, cela change et les auteurs donnent aux filles la possibilité de choisir et de prendre en main leur destin. La révolution sexuelle et les années 60 (période de contestation dans beaucoup de pays) sont passés par là : les héroïnes post années 70 sont désormais devenus fortes et indépendantes.
Force est de constater que les héroïnes actuelles sont des personnages forts, quelque fois personnages principaux de leurs histoires. Hermione, bien qu'elle ne soit pas personnage principal de la saga Harry Potter, est un personnage fort qui sauve la mise du trio a de très nombreuses reprises. Elle est à ce titre aussi importante qu'Harry dans la résolution de l'histoire. D'autres héroïnes peuvent être évoquées, comme Matilda, de Roald Dahl, Coraline de Neil Gaiman ou encore Lyra de Philip Pullman.
La nouvelle héroïne est née ; elle reste moins importante que le héros, façonné par des siècles d'histoires religieuses (ou les messies sont des hommes) mais elle constitue néanmoins une avancée non négligeable. On peut d'ores et déjà prédire que le " mouvement " perdurera : de nouvelles héroïnes fortes, courageuses et indépendantes sont annoncées !
Et la littérature de jeunesse, alors ? Posté par windowman le 18/05/2012 22:28:22
Article intéressant mais c'est regrettable qu'un article prétendant retracer l'histoire de la fille/femme dans la littérature de jeunesse évoque finalement si peu d'exemples... Pour le coup, l'argumentation perd en force de conviction et c'est dommage !