Imaginer qu’on fait l’amour dans l’ascenseur ou dans une cabine d’essayage, à plusieurs ou avec ce beau pompier venu nous vendre son calendrier, rien de tel pour s’offrir un petit souffle de nouveauté
et briser l’ennui au lit !
« Les fantasmes constituent une réserve extraordinaire d’énergie libidinale. Ces films érotiques que chacun se fabrique et se projette dans le secret de son intimité sont très efficaces pour doper un désir un peu poussif, créer une excitation sexuelle et se donner envie
d’avoir envie », constate Ghislaine Paris, médecin sexologue*.
Et pourtant, nous ne sommes pas toutes à l’aise ni expertes en ce domaine !
Un peu par paresse, parce que mettre son imagination en route demande un petit effort :
moins on le fait, moins on en a envie et plus l’imaginaire se rouille. Souvent aussi à cause de préjugés à la peau dure.
« Quand on prend de la maturité, on associe parfois le fantasme à une démarche un peu puérile, une gaminerie qui n’est plus adaptée à une femme mûre pleine de sagesse », remarque la spécialiste.
Et là, on a tout faux ! Nous arrivons justement à un moment de notre
vie sexuelle où, plus que jamais, les fantasmes pourront se révéler
un atout précieux.
Car à 60 ans, on n’a plus la libido de ses 20 ans.
La faute aux hormones, à la fatigue, à la routine sexuelle qui guette
tout couple au long cours, à notre compagnon qui peut commencer à
avoir quelques faiblesses et se montre moins désirant donc moins stimulant.
D’où l’intérêt de (re)mettre en route sa machine à fantasmes.
Tout le monde, sans exception, possède en soi la capacité de s’en fabriquer.
« Il suffit de s’écouter. Qu’est-ce qui a récemment provoqué chez moi
un trouble, même furtif ? Une scène dans un film, quelques pages dans un roman, la chemise entrouverte de mon voisin quand je l’ai croisé ce matin, deux femmes qui se tenaient par la main dans le métro ?
À partir de ce détail parfois très ténu, on peut broder, construire un scénario bien à soi », encourage Ghislaine Paris.
« On peut se donner envie d’avoir envie »
Pour pouvoir se livrer à cet exercice, cela suppose que l’on s’accorde de temps en temps des espaces de détente de soi à soi, où l’on ne fait rien d’autre que rêvasser. En ne perdant jamais de vue un élément fondamental : dans les fantasmes, rien n’est interdit, rien n’est « mal ».
Ils ne sont qu’une production imaginaire, sans lien avec la réalité. Aucune raison donc de culpabiliser ou de s’accuser d’immoralité ! « En réalité, le contenu de nos fantasmes nous échappe en grande partie.
Ils prennent racine dans nos pulsions sexuelles infantiles, largement teintées de sadisme, de masochisme, d’exhibitionnisme, de voyeurisme, de fétichisme.
Pulsions que chacun de nous habille à sa manière dans ses scénarios
fantasmatiques, en fonction de ce qu’il a vécu tout au long de sa vie »
décrit la psy. Alors, si nous imaginons que nous faisons l’amour avec notre voisin dans son garage ou que nous avons une aventure homosexuelle, pas de quoi se flageller.
Ces projections ou divagations excitantes ne regardent personne d’autre que nous.
Elles nous appartiennent, elles relèvent de notre territoire intime.
Tellement intime qu’il faudrait même peut être s’abstenir d’en parler
avec son partenaire…
« Livrer à l’autre quelques bribes choisies de ses fantasmes peut introduire du jeu dans la relation sexuelle, faire monter l’excitation », explique Ghislaine Paris.
Mais cela peut aussi provoquer chez lui de la gêne.
Qui sait s’il ne sera pas choqué par ces « drôles d’idées » qui nous trottent dans la tête ? A l’inverse, nos confidences sur l’oreiller peuvent susciter chez lui un enthousiasme un peu trop appuyé au point de vouloir prendre nos révélations au pied de la lettre et de les mettre en scène. Ce dont nous n’avons pas forcément envie.
Parce qu’après tout, fantasmer peut rester un plaisir solitaire ! C’est bien aussi.
* auteur d’Un désir si fragile, éd. S. Leduc. |