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L'espoir |
Quand l'amour devient immoral, quand l'intolérance devient banale, quand la liberté recule devant la morale, quand la normalité devient un devoir, il ne leurs reste plus que l'espoir. |
Le matin, déjà. La nuit les abandonne et les laisse à la tristesse de l’aube. Ils restent là, enlacés dans les draps blancs, dans la lumière du soleil naissant. C’est un nouveau jour qui commence, un long jour d’été, un de ceux qui semble n’en finir jamais, ce sera un beau jour pour eux, c’était leur première nuit, ce sera un jour heureux, peut être, ils ne l’ont pas été depuis tellement longtemps. Ils ont presque oublié ce qu’était le bonheur, alors ils savourent ces instants uniques où deux cœurs s’éveillent ensembles, où deux visages se sourient une première fois, où deux corps refusent de se séparer. Dehors il y a la ville et tous ses bruits, les voitures qui passent, les chiens qui aboient, les livreurs qui klaxonnent, et les oiseaux qui chantent, perchés sur une branche rosie par la lumière de l’aurore. Leurs yeux sont encore fermés, pourtant ils ne dorment déjà plus, chacun sait que l’autre lui sourit et attend qu’il ouvre les yeux le premier. Ce petit jeu pourrait durer des heures, et ils le voudraient bien. Tout est si calme, si paisible, si simple, si facile, il leur suffit d’aimer maintenant. Et aimer c’est ce qu’ils font depuis des semaines sans oser y croire, sans oser y penser, sans oser. Leur nuit appartient déjà au passé, aux souvenirs. La vie leur offre un nouveau présent, un nouveau jour, une nouvelle force, celle de leur union, la force de l’amour, la force d’affronter le regards des autres, des autres qui ne comprennent pas, qui ne veulent pas comprendre. Ce soleil, encore rose comme la peau d’un enfant qui vient au monde, marquera à jamais leur renaissance, leur nouvelle vie au delà des souffrances de l’ancienne, leur amour qui renaît au delà de la haine qu’il inspire. Tout autour d’eux il y a ces gens qui leurs veulent du mal, qui en veulent à ce qui les unit, mais ils s’en fichent, rien ne compte, au moins pour ce jour. Ils respirent ensemble le même air frais, le parfum de l’herbe roussie par le soleil, les odeurs de pain grillé, c’est la voisine du dessous qui préparent le petit déjeuner pour ses enfants. On entend la concierge qui discutent avec le voisin d’à coté. Ils doivent probablement parler potins, comme d’habitude. Le monde semble bien les avoir oubliés pour une fois, ils sont seuls au milieu de tous ces hommes et ces femmes qui s’affèrent, qui travaillent, qui parlent, bougent et courent. La pièce inondée de lumière est comme une île de douceur et de paix au milieu de cet océan en perpétuel mouvement. L’agitation les appelle, et ils ouvrent enfin les yeux. Les siens sont bruns comme la terre paisible, et les siens bleux comme le ciel pur et clair. La terre et le ciel se saluent, se séduisent, se contemplent et se fascinent mutuellement. Deux sourires se dessinent doucement, une main viens caresser un visage illuminé de bonheur. Quelques mots tendres sont échangés à voix basse, comme s’ils étaient interdits. Et puis c’est un baiser et une étreinte, deux etres abandonnés à leur bonheur qui s’enlacent pour se rappeler que tout cela n’est pas qu’un rêve. Et même si s’en est un il n’y aura rien à regretter. Le temps des regrets est passé maintenant, il est trop tard pour en avoir et c’est beaucoup mieux comme ça. Cette fois personne ne pourra contester, les parents, la famille, les prétendus amis, la grande société, personne, non personne ne pourra plus effacer ce qui les lie comme ont efface une erreur gênante. Ces quelques instants ont un délicieux goût d’éternité, un goût de victoire sur la vie, sur les autres, une victoire de l’amour sur le temps, sur le monde, sur la société, sur l’ignorance et la bêtise. Une guerre contre les interdits, contre l’ordre établi, contre la fausse morale et l’intolérance, une guerre juste, remportée après mille batailles, mille douleurs et autant de sacrifices. Il faudra en faire bien d’autres à présent, le bonheur est encore bien trop fragile et il faudra encore se battre, encore et toujours. Dans cette société ou le bonheur n’est plus un droit et où la normalité est un devoir, on appelle cela la liberté, quelle ironie. Les rideaux dansent dans le vent frais qui inonde la petite chambre, tout s’anime lentement autour d’eux, emporté par le vent et la lumière, ils se prennent à rêver à d’autres mondes, à un autre monde, un monde où on les laisserait penser, un monde on les les laisserait aimer, un monde où on les laisserait vivre, un monde juste. De l’amour au fond du cœur, du rêve plein la tête, de l’espoir dans les yeux, du bonheur dans la voix, leurs mots s’envolent dans la brise fraîche. On parle d’avenir, de passé, des autres et de soi même, d’amour et de haine, de justice et d’intolérance. Déjà la peur et le doute reviennent, la peur du lendemain, le doute de la veille, le bonheur si fragile s’écaille déjà, l’avenir se ternit par les mots et l’espoir s’enfuit, chassé par les mauvais souvenirs. L’ombre noire de l’intolérance plane dans leurs cœurs qui n’aspirent plus qu’à la lumière, la lumière du bonheur, de l’amour, de la liberté. Illusoire liberté que celle de choisir la norme, le juste, le pré-établi, la dogme et le moyen, voilà une société bien hypocrite. Une liberté d’action enchaînée par une dictature des principes, peut être est ce là la seule anormalité. Tant de morales, de préjugés, d’intolérance et de haine n’y feront rien, l’amour a remporté au moins cette bataille, et le bonheur effémaire d’un matin d’été en sera le trophée de guerre. Encore ivres de cette joie retrouvée, ils se lèvent ensembles, abandonnant les draps blancs qui retombent doucement comme un nuage cotonneux. La journée commence, la fraîcheur de la nuit s’efface, les étoiles s’envolent derrière le voile lumineux de l’aurore, le vent s’apaise, une porte se referme et tout s’immobilise dans la petite chambre. Dernier havre de paix dans un monde de haine, le lit blanc paraît déjà terne, les rideaux fin ne flottent plus au vent, la lumière se détourne de la petite fenêtre. Une odeur de tristesse plane dans la chambre vide. Chacun de son coté vit sa vie, vit sa journée, peut être en pensant à l’autre, peut être en pensant à lui même, sûrement en pensant à eux deux. Quand ils se séparent rien n’a plus d’intérêt, la musique est lasse, la fleur inodore, le sucre fade, le ciel incolore, ce ciel bleu qui les a éveillé ce matin, ce ciel sombre qui les a couvert de ses étoiles cette nuit, comme autant de messages d’espoir pour demain, ces nuages blanc pur qui les saluent loin là haut, blancs comme les draps fins, blancs comme les rideaux qui flottent au vent, blancs comme la douce lumière du matin, purs comme leurs cœurs, purs comme leur amour, purs comme l’espoir infantile qui berce leur journées. Les étoiles et les nuages, autant de veilleurs éternel qui tracent leur histoire là haut dans le ciel, qui tracent leur amour et leur malheur, qui tracent en lettres de lumière leurs noms à jamais unis dans un monde lointain, Marc et Olivier. |
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