Lettre à ma meilleure ennemie

J'aurais aimé te détester au point de vouloir te tuer, j'aurais voulu te haïre au point de désirer cracher sur ta tombe, j'aurais souhaité t'exécrer au point de jubiler à l'idée que tu pourrisses en enfer. Je n'ai même pas un soupçon de rancune envers toi. Ce serait tellement plus simple si je pouvais te mépriser. Des nuits entières tu m'as empêché de dormir, des heures durant j'ai pleuré et pleuré encore jusqu'à être totalement vidée, tout ça par ta faute. Tu as démoli mes espoirs, détruit ma vie.

Sais-tu au moins dans quel abîme je me trouve à cause de toi ? Non, tu ne vois rien. Tu es à cents lieux de savoir tout ce que je ressens. Et quand je croise ton regard, il n'y a même pas un brin de compassion. Ton indifférence me poignarde, comment peux-tu être aveugle au point de ne pas remarquer combien tu me fais souffrir ? Si au moins tu me dédaignais... Mais tu te contentes d'être là, de faire comme si je n'existais pas, comme s'il n'y avait aucun lien entre nous.

Tu m'as pourtant volé ce qui m'était le plus précieux. Tu m'as ôté la seule motivation de mon existence, comment pourrais-je trouver la force de vivre à présent ? Mais je ne t'en veux pas. Je ne t'en veux pas parce que j'aurais fait exactement la même chose. Comme toi, j'aurais répondu à ses sourires, comme toi j'aurais ris à ses plaisanteries, comme toi je me serais laissée séduire, comme toi je l'aurais suivi. Je sais de quoi je parle car tout ça, je l'ai fait avant toi.

Toi et moi nous ressemblons bien plus que tu ne le crois. Nous avons succombé aux mêmes yeux, aux mêmes paroles, aux mêmes baisers, aux mêmes promesses. J'espère simplement que tu auras moins mal que moi lorsqu'il refera son numéro avec une autre.

Tu m'as remplacé, tu as pris ma place dans le cœur de celui que j'aimais. C est à toi qu'il pense désormais, c'est pour toi qu'il s'inquiète quand tu n'es pas avec lui, c'est toi qu'il attend de voir toute la journée et c'est avec toi qu'il passe ses nuits. Je donnerais tout pour avoir de nouveau tous ces privilèges mais il t'a préféré.

Je ne t'en veux pas, je t'envie. Quand je te vois, je me demande toujours ce que tu as de plus que moi. Je n'ai pas un point de vue très objectif mais je me dis que tu dois être plus jolie, plus intelligente, plus intéressante, plus drôle, plus expérimentée que moi. Tu dois avoir tellement de qualités pour qu'il t'aime à ce point. A côté de toi, je ne fais pas le poids évidemment.

Si un jour, en dépit de toutes ces vertus, il te laisse choir pour une autre, promets moi de ne pas pleurer. Ne le laisse pas gagner. Jure aussi que tu n'auras pas de rancœur contre ta remplaçante. Fais moi cette faveur, on peut faire ça, non, entre innocentes victimes qui se sont laissées berner par un bonimenteur ?

Souviens toi de tout ça, rappelle toi que je t'ai pardonnée, retiens chacune de ces paroles, ancre les au plus profond de ton être car je ne te certifie pas que cette prochaine ne sera pas moi...