Extrait du site https://www.france-jeunes.net

L'urine, de Tibaw


Incontestablement, le meilleur texte que j'ai lu sur ce site, et celui que je préfère de son auteur, un Tabapréciste accompli. Ça méritait quelques appréciations...



Pour l'énième fois, je viens de relire l'Urine, de Tibaw, dont je suis une fervente admiratrice, il faut l'avouer. Et de nouveaux rapprochements émergent, cette fois-ci avec le mythe de Narcisse, ce qui rejoint l'attitude décadente précédemment évoquée (dans mes commentaires sur l'article en question). Narcisse était un décadent avant la lettre, se laisse aller, penche son corps sur les eaux (la cuvette du personnage tibawien ?) Puis finit prisonnier de sa propre contemplation.

J'imagine le devenir de son regard pénétrant, son agonie, sa disparition. Le Narcisse de la mythologie gréco-latine a soif de lui-même, d'où l'obsession de l'eau –une image pertinente aurait été celle des lèvres et de la bouche- mais ce froid et indifférent Narcisse de Tibaw ne s'extasie pas explicitement devant sa perfection physique : l'auteur cache cette réalité pour mieux la suggérer, et c'est encore plus puissant ! Raison pour laquelle on est incapable de répondre à deux questions logiques : la description physique du gars et de son monde intérieur, contrairement à ce que fait Ovide lorsqu'il fixa le mythe dans son troisième volume des Métamorphoses... Oh, là, là... ça donne à réfléchir, cette Urine, et je profite cette gymnastique neuronale pour vérifier la première impression que j'ai eu en lissant ce texte délicieux : être en présence d'une prose d'un narcissisme très marqué et c'est peut-être de cet universel humain qu'elle tire sa force envoûtante.

Si j'avais le temps, je ferais une p'tite analyse textuelle : "réappropriation du mythe de Narcisse dans l'Urine de Tibaw ou comment faire de la douleur et du pessimisme le symbole de la perfection" car ce suicide est symbolique ; il s'agit en effet du parcours initiatique qui doit suivre tout créateur : la nécessaire descente aux enfers de l'inconscient pour voir autrement, comme le suggère l'œil coupé de Un chien andalou, film qui constitue le premier manifeste surréaliste. L'urine c'est La Nausée de Sartre mise en beaux mots : ceux de Tibaw. C'est aussi l'affirmation percutante du Moi et de la personnalité affirmée du créateur/démiurge. La force avec laquelle ce nouveau Narcisse insiste suppose une passion, un érotisme sublimé dans l'élan créateur. Un élan vital fataliste comme une attraction qui dépasse le plan physique concret et se fait poésie.

Le Narcisse Tibawien est un obstiné, lui aussi, il veut prendre possession de sa belle image au prix de sa vie : il réussit ou il périt dans la tâche ! Quel bel exemple de persévérance à suivre... Certes, il meurt, mais pas agenouillé : il meurt en plongeant comme un nageur. Cette cuvette est allégorique et ce Narcisse est un sportif.

Pourquoi Narcisse refuse tous ses prétendants et tombe amoureux frénétiquement de sa propre beauté ? Parce que son cœur cherche quelque chose qu'il ne trouve que dans sa propre image. Le mépris de l'amour d'autrui devient passion amoureuse impossible et maladive puis transformation : l'idéal de perfection, c'est-à-dire, l'art.

Si ce n'est pas encore fait, vous pouvez lire cette Urine là : http://www.france-jeunes.net/discut.php?type_forum=&tid=222&tid2=145004
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