Romik de Roumanie

Assis au pied d'une école de musique, dans une petite rue du 7ème, près de la rue du Bac. J'ai d'abord cru qu'il était là comme ça, en train de boire un café. Et moi, j'étais un peu perdue, toute seule, un paquet à la main, un rendez-vous décalé d'une heure. Rien que 10 euros, la faim au ventre. ça faisait déjà trois fois que je passais devant sa main tendue sans tout à fait réaliser, ses yeux baissés, sans vraiment oser le regarder, de peur qu'il me lance un appel auquel je ne pourrais pas répondre.
J'avais vraiment trop faim, et les prix dans la grande épicerie m'avaient fait tourner de l'oeil, ce que c'est une étudiante en galère ! J'entrai donc dans la boulangerie adjacente à l'école de musique. En sortant, ce que je redoutais se produisit. Il leva ses yeux vers moi; mais qui aurait pu résister à de tels yeux ?
Alors je m'approche et lui lance :
-qu'est-ce que tu fais là ?
Je lis de la surprise sur son front.


Alors je demande :
-je peux m'asseoir à côté de toi ?
-quoi ? Dit-il, d'une voix mal assurée.
-Je peux m'asseoir, dis-je à nouveau avec mon plus beau sourire pour qu'il ne se sente pas agressé.
-oui, répond-il de plus en plus perplexe, mais il esquisse un sourire.
Et je commence à raconter :
-J'ai faim ! Tu veux manger avec moi ?
Son regard incrédule sera ma seule réponse, je tente autre chose :
-On partage ? Partage avec moi !
Je fais deux parts égales de la fougasse jambon fromage que je viens d'acheter, lui en donne une, et me jette sur la mienne. Lui mange du bout des lèvres, comme s'il n'en revenait toujours pas. Alors je demande, inquiète :
-Quoi, c'est pas bon ?
-si c'est bon, un murmure accompagné d'un hochement de tête. Je souris toujours. Son regard est moins fuyant. Il me sourit !
Et nous mangeons tous les deux.
Qu'est-ce qu'elle était bonne cette fougasse !
Et je questionne :
-Comment tu t'appelles ?
-Romik.
-Romik ?
-Oui.
-Hm mm... Moi je m'appelle Sveta.
-Quoi ?
-Sveta.
-Sveta ?
-Oui.
-Et tu viens d'où ?
-Roumanie.
-Tu n'es pas tout seul ici au moins ?
-Non, je suis avec mon frère.
Une dame passe, et nous sourit, elle dit :
-bon appétit !
Nous :
-Merci !
On échange un sourire. Un homme passe et nous sourit avec les yeux. Et nous, on se regarde.
Mon portable a vibré 4 fois dans ma poche. Au bout de la 5ème, je me dis, non là faut qu't'y ailles, tu ne vas pas la faire attendre plus que ça, aller !
C'est avec regret que j'annonce à mon nouvel ami que je dois m'en aller. Je promets de repasser s'il est toujours là. Je lui laisse ma bouteille d'eau en me disant que je m'en achèterais une autre. Je lui souris encore une fois, il répond par cette étincelle dans les yeux qui m'avait fait flancher, et me gratifie d'un sourire beaucoup plus assuré que le premier, beaucoup moins timide.
J'ai eu envie de l'embrasser (sur la joue rassurez-vous), mais je n'ai pas trouvé le courage. Je pense que ç'aurait été un peu trop. Même si je suis folle, j'ai tout de même des limites ! Je me contente de poser ma main sur son épaule. Et il me sourit.
Je souris aussi. Puis je m'éloigne.
Je me retourne et vois qu'il termine sa fougasse.
Je termine aussi la mienne et presse le pas.

Heureuse de t'avoir rencontré Romik.


Cette scène a du durer en tout et pour tout, 6 minutes.
Qu'est-ce qui m'a pris d'aller vers lui ?
Précisément de cette façon ?
Je l'ignore.
Une chose est certaine, je ne regrette pas du tout.
Ce que j'espère ?
Le revoir.
Et ce qui serait un cadeau ?
Qu'il se souvienne de moi.