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Notre ailleurs


Viens avec moi, je pars pour très loin et je voudrais t’emmener pendant mon voyage. Je te prends la main, tu seras plus rassuré comme ça. J’ouvre une porte dont je suis la seule à connaître l’existence, et nous entrons dans un monde tout blanc.



Viens avec moi, je pars pour très loin et je voudrais t’emmener pendant mon
voyage. Je te prends la main, tu seras plus rassuré comme ça. J’ouvre une porte
dont je suis la seule à connaître l’existence, et nous entrons dans un monde
tout blanc. Un blanc neigeux, nuageux… Un petit louveteau se promène à l’orée
du bois, ses petites pattes s’enfoncent laissant son emprunte à chacun de ses
pas. Il a l’air perdu, sa maman n’a pas dû survivre à l’hiver. Toi et moi nous
décidons de le suivre, un petit documentaire rien que pour nous deux ! Nous
arrivons à côté d’une clairière, dans l’eau quelques poissons se battent en
duel pour rester en vie alors que le louveteau essaye d’en faire son repas. De
ses petites pattes malhabiles, il donne des coups dans l’eau glacée, mais aucun
poisson ne se laisse avoir. Le louveteau semble abandonner, il regarde à droite,
à gauche, et d’un air désespéré il chante son hurlement…
Et toi, grand blond aux cheveux longs, tu t’approches doucement, sans bruit,
d’un pas presque hésitant et tu te baisses au bord de l’eau. Le louveteau te
regarde, fait un pas vers toi, puis recule tête baissée. D’un coup de main tu
réussis à attraper un poisson, le plus gros de tous ! Tu le tends alors vers le
louveteau, et ce dernier approche, intimidé et pressé à la fois de recevoir
enfin quelque chose à se mettre sous la dent. Il te lèche la main, et repart
dans la forêt tout content !
Moi je te regarde, je me suis assise dans la neige pour contempler ce beau
spectacle. C’est très émouvant, ce paysage, cette apaisante solitude, ce monde
qui ne ressemble pas au notre, et ce qui vient de se passer entre toi et ce
bébé loup…
Maintenant tu as froid, tu grelottes, tu es marrant quand tu grelottes. Alors
comme bercée par une pulsion, je t’embrasse, je t’enlace, je te frotte les
mains, j’essaye au mieux de te réchauffer. Je sais, trop longtemps ici nous
allons mourir de froid… Nous nous allongeons dans la neige. Son épaisseur est
telle qu’on s’enfonce complètement, comme si nous étions tombé dans un fossé.
Et c’est dans ce fossé neigeux que nos deux corps se réchauffent, animés par
une étreinte parfaite, comme si nos mouvements étaient en osmose avec
l’ambiance autour de nous, de la douceur, du calme, un vent léger qui amène un,
deux sifflements… Notre respiration s’accorde avec ce vent froid. On se regarde
dans les yeux, j’ai l’impression que les tiens veulent me dire plein de choses,
ils sont beaux, ils me regardent amoureusement…
Je me relève, je te reprends la main, et je t’emmène vers la porte de sortie.
Maintenant tu ne veux plus repartir, envoûté par cet endroit, ce petit bout de
terre que tu ne connaissais pas. Tu me retiens, je te dis que les meilleures
choses ont une fin, qu’on pourra revenir quand tu le voudras. La prochaine fois
il faudra prendre des provisions, je compte t’emmener au sommet de la montagne.
Il faudra beaucoup marcher, mais une fois en haut, tu auras l’impression d’être
dans le ciel, de tout dominer, et d’être le plus libre des hommes !
Dis moi que tu m’aimes et je t’y emmènerai encore. Dis moi encore que tu m’aimes et je ne cesserai jamais de t’aimer…
Nous sommes sur le pas de la porte, un dernier regard et nous apercevons un
certain louveteau qui nous regarde au loin, comme pour nous dire au revoir.
Alors je referme la porte.
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