| Des gravas plein la têteJuste une série de pensées qui défile dans le désordre, sans logique, pour sortir un peu prendre l'air. "Parfois j'aimerais m'arrêter de marcher. Je m'arrêterais là, comme ça, comme un âne obstiné et je m'assiérais. Par terre. Comme ça, au milieu du chemin. "Puis je m'allongerais, je me fondrais dans le sol, en osmose, je serais rendue à la terre. On finirait par me marcher dessus, comme un bout un bout du chemin, comme un autre bout du chemin. Les plantes envahiraient mon être et je serais moi-même mauvaise herbe.
J'ai des gravas qui s'enfoncent dans mes entrailles, et, un roc immense dans le ventre qui me tire plus bas que terre.
Parfois j'aimerais tant faire une pause au milieu du chemin et, telle une insouciante créature, m'asseoir. Je suis si fatiguée lorsque mes jambes me tirent vers d'autres horizons. Toujours les mêmes. Mais j'ai peur de ne plus me relever, de me faire écraser.
Tout à l'heure en allant chercher le bus mon ventre se tordait, se torsadait dans mon dos ; le fourbe, m'attaquer en traître ! Mes vertiges m'empêchaient de marcher droit pourtant la route est droite alors je la suis, je lui fais confiance. Zigzaguer ne fait malheureusement que me retarder, la route semble juste un tantinet plus longue. Le sol s'effondrait derrière moi, sous moi, je le sentais s'affaisser, ce n'était pas grave, j'avais juste envie d'une pause. Là, en plus milieu, en plein milieu de la droite infinie, là où les étoiles se font aspirer par les gouffres au goût de fleurs sauvages. Pourtant il fallait que je continue, il fallait que je marche, il faut rester droit et affronter. La tête haute, les yeux ouverts et vides, je sentais en moi les montagnes s'éroder, les rivières se creuser, les éboulements me gagner, les gravas m'emplir jusqu'à en déborder, jusqu'à en être vomis. Sans pitié.
C'est moi qui étais derrière, à la traîne, c'était moi la loque pantelante. Ciel je ne sens plus mes yeux ! Je comprends mieux ce vide maintenant. Ce n'est pas grave si je ne vois rien de mon plein gré, la route est droite, il suffit de la suivre, ce n'est pas grave si moi je suis courbée et si je zigzague, la droite n'est pas penchée. Je croule un peu de travers non ? Je me sens un peu gauche, mal à droite quoi. Mal à quoi ? Un peu partout en fait, j'ai un rhume de l'âme.
Elle devant, moi derrière ; Elle au-dessus, moi en bas, tout en bas. Oui, ce point-là parmi les petites particules d'argiles, le point le plus à gauche, le point le moins pointu, le rond le plus carré. Bon pas carré mais quadrilateriel (si, si ça existe. Ce n'est pas un barbarisme, c'est une oeuvre autoriale <== Ça aussi). Il est vrai que les droites sont plutôt ovales et les coins pas trop coins mais c'est un effet d'optique. C'est le brouillard.
Nous étions trois, je l'ai clairement senti.
Le bus. Il a suffi d'une phrase pour que ma montagne plus semblable à un fragile château de sable (ô édifice à l'équilibre précaire) qu'à une montagne, s'effondre. Une phrase. Une balle lancée entre le vide de mes yeux pour que tout s'effondre. Les barrages ont cédé, les rivières ont craché leurs entrailles, ont jailli, ont fait hurler leurs flots écumants. Je suis pleine de vide, je l'ai senti couler en moi en même temps que les flots me foulaient. Le chemin a tremblé, mes fesses ont été attirées par la terre, en plein milieu de l'avant-milieu j'ai fait une pause en comptant les secondes qui s'écouleraient avant qu'inéluctablement je m'affale à mon milieu. C'est marrant comme ma notion du milieu peut être erronée. Je l'ai trouvé trop bas, trop à droite, ou peut-être à gauche, je ne sais plus d'où j'arrive. De nulle part, c'est peut-être pour ça. Que me m'y retrouve à peu près.
Puis évidemment il fallait que je me lève, les serré les mâchoires, les fermé les vannes, j'ai chancelé, vacillé telle une danseuse étoile. Comme une étoile avant le trou noir. Puis j'ai marché, j'ai re marché, c'est drôle comme on réapprend vite. Je marche courbé devant moi. Et encore devant moi quelqu'un marche droit devant lui, et encore plus devant encore il y a un rayon de soleil qui caresse amoureusement la Terre. C'est le rêve d'une étoile qui fond son éclat à une terre putride et pourrie.
Enterrez-moi maintenant, comme une mort avant la mort, regardez, j'ai les vers qui me rongent déjà. La trace de mes pas de fait chaque jour plus profonde. Je ne cherche même pas à fuir, je n'esquive rien. Je n'échapperais pas. Je ne m'échapperais pas. Qui m'aime me fuit ? Ou bien suivez-moi. | | |
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