| Donnez-moi un lit, et je serai libreC'est cette célèbre phrase de Ho Chi Ming prononcée, comme vous le savez sans doute, au moment où il a été envoyé derrière les barreaux, qui m'a inspiré cette conversation imaginaire. A lire absolument si vous êtes épris de liberté.Jeanne, s'apprêtant à sortir : tu penses que je pourrais me faire attaquer par des loups ?
Philippe : tu vas où ?
Jeanne : faire des courses.
Philippe : non, à mon avis, tu ne risques rien de ce côté-là. Tout au plus, tu pourrais te heurter à un camion ou te faire violer par un non voyant : un voyant choisirait une autre victime.
Jeanne : merci, c'est gentil, mais c'est à la montagne que je vais faire les courses.
Philippe : pourquoi si loin ? On a d'excellents supermarchés dans le coin.
Jeanne : j'ai envie d'aller loin, aussi loin que possible.
Philippe : vas donc plutôt du côté de la mer, il n'y a pas de loups.
Jeanne : mais il y a des requins, mais bon, les requins je les crains moins que les loups.
Philippe : dis-moi, tu vas faire des courses ou prendre des vacances sans moi ?
Jeanne : des courses, bien sûr, mais puisque je serai à la plage, autant en profiter.
Philippe : et puisque tu vas si loin, ce serait con de repartir tout de suite, n'est-ce pas ?
Jeanne : j'y avais pas pensé, maintenant que tu le dis, c'est vrai. Il vaut mieux que je fasse plusieurs courses au lieu d'une.
Philippe : envoie-moi une partie par la poste, alors.
Jeanne : non, ça coûte cher les colis. Il vaut mieux que tu fasses tes propres courses.
Philippe : ou que j'aille avec toi...
Jeanne : non, pour gagner du temps il faut se répartir les tâches. Toi, tu feras le ménage.
Philippe : je n'ai vraiment pas besoin de gagner du temps, des fois je ne sais pas quoi faire avec celui que j'ai, sans l'avoir gagné.
Jeanne : mais moi, le temps me manque.
Philippe : c'est parce que tu dors trop. Si tu dormais moins, tu n'aurais pas besoin d'aller dans un magasin qui se trouve dans l'autre bout du monde.
Jeanne : tu n'as pas encore compris que je ne choisis pas mon temps de sommeil. Je me réveille quand je peux.
Philippe : tu n'as qu'à mettre le réveil.
Jeanne : tu sais que ça marche pas, je l'éteins puis me rendors.
Philippe : parce que tu t'évades en dormant, puis un jour, pour atteindre une évasion complète tu te suicideras.
Jeanne : entre-temps, je m'évaderai dans l'écume des eaux. Ce n'est pas définitif mais ça va me donner un avant goût du bonheur parfait.
Philippe : c'est la première fois que je t'entends appeler l'appareil sexuel des hommes de cette façon, remarque c'est joli : viens, ma belle, que je t'enfonce l'écume des eaux au fond de tes entrailles... ça te fait mal à l'ovaire gauche, l'écume des eaux, tu la trouves trop épaisse ? C'est normal, elle penche vers la droite... Une petite fellation ? Non ? T'as peur que je t'étouffe avec l'écume des eaux ? Mais les bières tu ne les refuses pas, alcoolique... Si tu t'assois sur l'écume des eaux, elle va te chatouiller le col de l'utérus, tu vas voir, elle va te noyer de bonheur, l'écume des eaux...
Jeanne : qu'est-ce que tu insinues ? Que je veux m'éloigner pour baiser ?
Philippe : pas du tout, je sais que tu n'as aucun besoin d'aller loin pour ça : tu t'es fait baiser par tes profs, tes amis, tes colocataires, tes voisins, même ton cousin... Plus proche que ça, ton père ou ton fils, mais tu n'en as pas.
Jeanne : on vit ensemble et on ne se connaît même pas. Le sexe ne m'intéresse plus, c'est l'esprit qui m'enivre.
Philippe : alors à quoi bon de vivre ensemble ? Fais-toi bonne sœur et vit avec le saint esprit.
Jeanne, sur le lit, lui caressant les cheveux : cette nuit j'ai fait un rêve dans le rêve, c'est la première fois que ça m'arrive. Dans le deuxième je te racontais le premier.
Philippe : et le premier c'était quoi ?
Jeanne : j'étais nonne, et je passais mon temps à faire des prières dans ma cellule.
Philippe : ce n'est pas un rêve, ça, mais un cauchemar.
Jeanne : pas du tout. J'étais très heureuse. Je chantais mes prières du matin au soir et je parlais aux oiseaux qui croyaient sûrement par la beauté de mon chant que j'étais une de leurs.
Philippe, l'embrassant sur le visage : j'ai dû mal à t'imaginer heureuse sans moi...
Jeanne : je crois que j'avais sublimé dans la divinité mon amour pour toi... D'où ce bonheur parfait.
Philippe : tu n'es pas heureuse de partager ta vie avec moi ? Laisse-moi deviner ta réponse : dieu ne pue pas des pieds, dieu ne laisse pas des poils dans la douche, dieu ne pète pas, dieu ne se gratte pas les couilles, dieu n'éructe pas, dieu ne laisse pas la porte de toilettes ouvertes lorsqu'il fait caca, dieu ne se prend pas pour dieu : il l'est déjà...
Jeanne : mais non... Je suis très heureuse de partager ta grossière existence, et de toutes façons, ce n'était qu'un rêve.
Philippe, lui chatouillant la vulve : n'empêche, les rêves reflètent nous désirs les plus profonds... Tu préférerais peut-être que ce soit Jésus qui te chatouille.
Jeanne : ça dépend... S'il le fait mieux que toi...
Philippe : tu peux lui demander si tu veux...
Jeanne : je vais le faire, mais il se peut qu'il se fasse de fausses idées sur lui-même. Jésus, est-ce que tu chatouilles mieux que Philippe ?
Jésus : bien sûr, je suis le fils de dieu, tout ce que je fais, je le fais mieux que tout le monde.
Jeanne : mais viendrais-tu me faire une petite démonstration ?
Jésus : ah, ça, non, je n'ai pas le temps, mais si tu deviens l'esclave de dieu mon père, je te chatouillerai spirituellement à travers le saint esprit, et tu pourras te passer de la main de Philippe et de ta propre main.
Philippe : ne l'écoute pas, il a toujours été cinglé, ce mec, déjà pour se faire passer pour le fils de dieu et parler par paraboles... Si c'était aujourd'hui, au lieu de le clouer on lui aurait donné des électrochocs... Dis-moi, Jeanne, franchement, qu'est-ce que tu préfères, un chatouillement concret ou un chatouillement abstrait ?
Jeanne : je ne connais pas les abstraits... Comment veux-tu que je compare ?
Philippe : t'as raison. Et le deuxième rêve, c'était quoi ?
Jeanne : je te racontais le premier, puis tu piquais une crise de jalousie frénétique, c'est marrant, tu étais jaloux de mon passé alors que tu ne m'as jamais posé de question sur les autres hommes avec qui j'ai baisé.
Philippe : c'est parce que je croyais que j'étais le premier, l'unique. Et ça se termine comment la scène de jalousie ?
Jeanne : tu m'as tellement énervé, que je suis partie toute seule à la mer et je ne suis plus revenue. Le plus drôle, c'est que je t'avais dit que j'allais faire des courses...
Philippe : et tu trouves ça drôle, toi ?
Jeanne : ne sois pas con, c'est juste un rêve. Mais ça s'arrête pas là...
Philippe : c'est quoi, la fin ?
Jeanne : à la plage, dieu me parle dans l'écume, il me demande de devenir son esclave, et je finis mes jours dans un couvent du coin.
Philippe : c'est une mise en abyme, alors.
Jeanne : et mon abîme, c'était toi.
Philippe : qu'est-ce que tu veux dire par là ?
Jeanne : rien, je voulais juste faire un jeu de mots.
Philippe : menteuse, c'est évident que dans les deux rêves tu essayes de me fouir, mais tu n'arrives pas. Je suis partout...
Jeanne : regarde autour de nous, je ne suis pas dans une prison mais dans un appart.
Philippe : mais tu es ma prisonnière dans ta tête, c'est pire ! On peut s'évader d'une prison, ça arrive, même dans les îles, mais as-tu déjà entendu parler des gens qui s'évadent définitivement de leurs têtes ?
Jeanne : les éveillés, les fous, les suicidés aussi. Et il doit en avoir d'autres que je n'ai pas repérés.
Philippe : exact. Les voies ignorées tu ne pourras pas les emprunter. Les seules façons de récupérer ta liberté c'est de devenir complètement folle ou de te tuer par amour... Mais quelles libertés que celles-là ! Personnellement, ça m'intéresse pas. Et quant à atteindre l'éveil, tu ne médites pas assez. Peut-être dans une autre vie...
Jeanne : elle est marrante notre conversation pour un dimanche à 11 heures, sur le lit, après avoir goûté des voluptés exquises... Quoi encore ?
Philippe : qu'il t'a fallu d'un rêve pour voir plus clair en toi...
Jeanne : et alors ?
Philippe : que le Champion ferme à midi, si tu vas faire des courses, c'est maintenant qu'il faut y aller. | | |
| . Voir tous les commentaires et/ou en poster un (12) | | Re: Donnez-moi un lit, et je serai libre Posté par jacquesv le 05/08/2005 14:22:09 | pour ne pas parler de sa fantaisie galoppante!! | | Re: Donnez-moi un lit, et je serai libre Posté par pepito.micolazon le 05/08/2005 13:37:27 | jacquesv ---> je sais, j'en ai déjà lu pas mal, de ses textes.... et à chaque fois, je dois dire que le style me laisse baba... | | Re: Donnez-moi un lit, et je serai libre Posté par jacquesv le 04/08/2005 16:49:55 | mimiuragi
Qui sait, peutêtre travaille-t-elle dur à rechercher du matériel pour les suites | | Re: Donnez-moi un lit, et je serai libre Posté par jacquesv le 04/08/2005 16:48:11 | pepito.micolazon
Tu en trouveras d'autres d'ida | | Re: Donnez-moi un lit, et je serai libre Posté par pepito.micolazon le 04/08/2005 16:09:46 | le style est divin.... | | . Voir tous les commentaires et/ou en poster un (12) |
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