| Echo remasterisé"Te sens-tu de force à répéter les choses / Que chaque jour je t'apprendrai ? / Je serai ton esprit, tu seras ma beauté". Cyrano de Bergerac, Edmond Rostand, 1897En ce temps là, Echo avait un corps. Elle vivait dans un petit village que bordait une forêt dense et impénétrable. Déjà, sa bouche bavarde répandait discordes et divisions. Tout ce qu'on lui disait, tout ce qu'elle entendait, elle le racontait à tout vents en modifiant à sa guise les paroles qu'elle avait recueillies. Sa curiosité, sa mesquinerie lui avaient valu la méfiance des villageois.
Un jour, alors qu'elle se promenait à la lisière de la forêt, elle rencontra, au bord du chemin, une vieille femme. "Approche toi" dit-elle. Echo s'avança. De sa faible voix de vieillarde, elle lui murmura : "Cette langue perfide qui a fait tant de mal ne te servira plus guère et tu ne feras plus, de ta voix, qu'un très bref usage." L'effet fut soudain. Echo ne pu, dès lors, que répéter les derniers sons émis par la voix et rapporter les dernières paroles qu'elle a entendues. Humiliée, elle se cacha dans la forêt.
Un jour qu'il chassait dans les bois, Narcisse frappa les regards de Echo. Attirée par les bruits qu'il faisait en se déplaçant sous les feuillages, elle s'était approchée comme le papillon de nuit s'envole inexorablement vers la flamme qui brûlera ses ailes. Ardente de désirs, elle suivit ses pas furtivement à travers la forêt. Combien de fois aurait-elle voulu l'aborder ! Combien de fois aurait-elle pu, de ses douces paroles, le séduire ! Mais sa nature ne lui permettait pas de commencer. Elle ne pouvait que guetter des sons perdus auxquels elle pourra répondre par des paroles.
C'est ainsi que, par un chaud après-midi, Narcisse s'assit prêt de la rivière, le temps que les chevaux se désaltèrent. Echo le guettait, tapie derrière les buissons. Elle se rapprocha sous les arbres pour mieux l'observer et fit craquer, par mégarde, un fagotin de brindilles sèches. Narcisse, se redressa. "Qui est là se cachant de moi ?" cria-t-il. Echo sentit son âme chavirer, enfin pourrait-elle lui adresser quelques paroles. "Moi !". Répondit-elle de tout son cœur. Stupéfait, il promena son regard tout autour de lui. "Sors de ta cachette ! N'ais pas peur !" dit-il. "N'ais pas peur" répéta t-elle. Abusé par cette voix qui semblait venir de nul part, il se retourna et, ne voyant venir personne : "Qui es-tu ?" demanda t-il. Il recueillit autant de mots qu'il avait prononcés. Perdant patience, Narcisse insista : "Qui que tu sois, ici, réunissons-nous !". Il n'y avait pas de mots auxquels Echo pu répondre avec plus de plaisir : "Unissons-nous !" répéta t-elle. Charmée par ce qu'elle venait de dire, elle sortit des buissons et se jeta sur l'être tant désiré. Narcisse s'enfuit, apeuré par cette apparition soudaine, et tout en fuyant : "Va t-en ! Eloigne-toi loin de moi ! Jura t-il, plutôt mourir que de m'abandonner à toi !". Envahie de désespoir, elle ne répéta que ces paroles : "M'abandonner à toi.". Il regroupa hâtivement ses chevaux et quitta la rivière sans se retourner. Etendue sur le sol, Echo le regardait partir, incapable de prononcer une seule parole qui pu le retenir. Les larmes coulaient, chaudes, sur ses joues.
Depuis ce jour, Echo se cache dans les forêts. A force de dissimuler son corps, méprisé et honteux, sous les feuillages et dans les grottes sombres, il ne persiste d'elle, plus que la voix. Le promeneur aventureux peut encore l'entendre, chargée de chagrin, répéter ses paroles dans les antres solitaires. | | |
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