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Entretien avec le poète suisse Bruno Mercier

Bruno Mercier est né en 1957 à Orléans. A vingt trois ans, il vient vivre en Suisse. Il réside dans plusieurs villes, dont Zürich et Lausanne, avant de s'installer à Forel (Lavaux), où il vit encore aujourd'hui.


Son premier recueil de poésie Air lumière a paru en 2001, premier volume d'une série mettant en scène les quatre éléments associés à la lumière. Il crée aussi un style de poésie en trois dimensions, associant ses textes poétiques aux œuvres de peintres et de musiciens. En 2003 un disque réunissant la poésie de Bruno Mercier à la musique du compositeur saxophoniste Pierre Diaz a vu le jour, avec pour titre : impressions d'ailleurs.
Bruno Mercier est membre de l'Association vaudoise des écrivains. Il remporte la médaille d'argent de l'Académie européenne des arts à Madrid et le premier Prix de poésie du CEPAL, Centre européen de promotion des arts et des lettres. En 2005 il publie E-mages satellites avec des illustrations du peintre irakien d'origine kurde Kalid Tofik, requérant d'asile à Soleure.




Azzeddine : J'aimerai que tu me dises qui est
au juste Bruno Mercier ?

Bruno : Un poète engagé pour l'humanité, la paix et l'écologie, qui tente de surprendre les émotions refoulées des gens, la face cachée des choses. Un homme sensible, qui essaie, à travers la poésie, de témoigner sa foi et son amour à toutes les personnes qui cherchent la raison de leur existence. Le livre est un moyen pour rentrer en communication, en dialogue avec des femmes et des hommes dont le chemin de vie empêche momentanément de rencontrer le mien.


Q : Pouvez-vous me parler de votre adolescence ? Où avez-vous grandi ?

R : J'ai passé toute mon enfance en France, à Orléans dans le val de Loire. Aîné de trois enfants, j'ai vécu avec mon frère et ma sœur une enfance douce et heureuse. Fils d'un ingénieur et d'une mère au foyer, j'ai grandi en solitaire et en rêveur, cherchant l'évasion à vélo ou en kayak sur des voies de traverses. Le romantisme a marqué mon adolescence, je lisais le Grand Meaulnes, Les rêveries du promeneur solitaire, Balzac.


Q : A quel moment avez-vous commencé à écrire de la poésie ?

R : Mes premiers poèmes, je les ai dédiés à ma mère, à l'occasion de la fête des mères. Je devais avoir huit ans. C'est vraiment à l'âge de quinze ans que j'ai commencé à écrire régulièrement. De cette époque, il ne me reste que quatre ou cinq poèmes. Je n'ai rien conservé. C'est suite au choc de mon divorce en 1999, j'avais alors 42 ans, que j'ai décidé de partager mes poèmes et de les publier.


Q : La poésie n'est pas le genre littéraire le plus facile, particulièrement la poésie engagée. Pourquoi ce choix, plutôt qu'un autre genre littéraire ?

R : Ce que j'aime dans la poésie, c'est le jeu du beau, avec la sonorité, la couleur des mots. C'est le travail du bijoutier, polissant, ciselant le texte pour en faire une pièce unique, percutante. Chaque mot a sa pureté, sa place et son identité. Rien de superflu. J'aime la franchise d'un texte court, qui transmet en simplicité un message, une méditation. La poésie engagée suggère un réveil de la conscience, qui à travers la beauté d'un texte peut avoir un effet plus important qu'une leçon de morale, un conseil ou une loi. Je mets la poésie au service des humains pour témoigner de la vie et de la mort, de la tristesse et du bonheur des évènements de notre époque, pour que rien ne sombre dans l'oubli. Ceci en héritage pour les générations futures.


Q : Quelle étincelle vous permet de démarrer un texte ?

R : L'actualité. Un évènement, une injustice, un problème de société noté dans un quotidien, ou au cours d'une conversation sont très souvent la source, le départ d'un nouveau poème.


Q : Vous écrivez de la poésie engagée pour l'humanité. Qu'est-ce que la poésie engagée ?

R : La poésie engagée, c'est celle qui s'adresse aux minorités oppressées de la planète, aux faibles que l'on piétine, aux oubliés des guerres et des prisons, aux affamés, à ceux dont on ne parle jamais pour leur délivrer un message d'amour et de paix, pour dire que quelqu'un les écoute et pense à eux. Elle s'adresse à la nature galvaudée, à l'environnement souillé. C'est toucher l'âme des durs, faire pleurer les handicapés de l'émotion. C'est une poésie de choc, qui parfois dérange. A l'image de Juan Goytisolo, un maître pour moi.


Q : Nous vivons à une époque où le capital, l'argent dominent tout, quelle réponse peut donner la poésie à cela ?

R : En chaque femme, en chaque homme sommeille un poète. La poésie, dans certaines tribus, bénéficie d'une longue tradition orale. Comme le chant, la danse et la peinture, elle est un moyen d'expression qui libère, qui apaisent les tensions. Elle répond au monde matériel par l'appel à la sensibilité de l'âme, le partage, l'écoute, l'acceptation sans jugement de l'autre. Elle est émotion, elle fait remonter en surface des sentiments occultés. Elle est, avec sa chaleur et sa fraternité, capable de fendre les roches les plus dures, de faire tomber les masques de la société. Derrière un banquier, derrière un politicien, se cachent un homme, une femme...


Q : Vous avez écrit un recueil de poèmes, "Passion du Tigre", qui condamne la guerre en Irak. Qu'est-ce qui vous a poussé à écrire ce livre, d'ailleurs traduit en allemand et en arabe ?

R : Je suis pacifiste. Le jour même – 19 mars 2003 – où George Bush a déclaré la guerre à l'Irak, je me suis posé la question : "qu'est-ce que tu peux faire pour crier cette injustice ?" "Qu'est-ce que tu sais bien faire, Bruno ?" La poésie ! J'ai écrit un poème, en dialogue sur les peintures d'un ami irakien réfugié à Soleure, en Suisse. Je l'ai présenté à un concours, il a été sélectionné pour être lu sur scène lors d'une soirée publique. C'est alors qu'une connaissance du monde humanitaire m'a demandé d'écrire un livre sur la guerre en Irak, toujours en dialogue avec Kalid Tofik, l'ami irakien. Cela représente deux ans de travail. Le livre est d'abord paru en 2005 sous le titre "e-mages satellites" en version bilingue, français-allemand, destiné au public suisse. En Suisse, l'allemand est parlé par 65 % et le français par 25 % de la population.
Au cours d'un voyage à Marrakech, j'ai rencontré un jeune peintre, Dea Foutayeni. J'ai eu le coup de foudre. Ses aquarelles, l'émotion des couleurs, le coup de pinceau... J'ai été fasciné. Nous nous sommes vus un quart d'heure tout au plus, on a échangé nos adresses électroniques. De retour en Suisse, je lui adresse le livre, avec l'intention de le publier en version bilingue arabo-française. "Passion du Tigre" est née. Nous avons travaillé à distance. Dea Foutayeni m'a fait rencontrer M. Abdelrhaffar Souiriji, Directeur des Editions marrakchi "Les Infréquentables", qui a lui-même fait la traduction des poèmes en arabe et s'est occupé de la publication. J'ai fait, au cours de mes voyages marocains, plusieurs lectures publiques à Marrakech, dans la médina, et à Essaouira. A Genève aussi, lors du salon international du livre. C'était chaque fois pour moi une joie immense de rencontrer des étudiants, des écrivains, des gens venus simplement écouter. Plus de vingt articles de journaux ont salué l'arrivée du livre.
C'est donc la volonté de transmettre un message de paix et d'amitié au peuple irakien d'abord, mais aussi à tout le peuple arabe, qui m'a motivé à écrire ce livre. Mon désir est aussi de montrer une autre image du monde arabe que celle véhiculée en Europe par les terroristes, qui fait monter le racisme en Suisse et ailleurs.


Q : Vous habitez à Forel (Lavaux), près de Lausanne, dans quelle mesure ce lieu marque votre création ?

R : C'est mon lieu d'origine en Suisse, mon lieu d'adoption. C'est un village qui respire l'humanité dont je m'imprègne. Ici tout le monde se connait, se salue, se parle. C'est "le bled". Je suis certain que le caractère des poèmes sort de cette terre là. Ils sont un produit du terroir avec appellation contrôlée !


Q : Vous habitez une région calme, avec le lac Léman, les montagnes... Cette atmosphère sereine vous aide-t-elle à atteindre vos objectifs, les défis qui se présentent à vous ?

R : J'habite une petite maison à 730 m d'altitude. Le climat rude de l'hiver, la neige, le vent et le froid, forgent ma personnalité de battant, de poète engagé. Cet environnement me transmet vigueur et rigueur pour vivre et rire, cette force virile nécessaire pour aller au but. Le soleil chaud de l'été, la douceur du lac, à quelques pas d'ici mais 300 m plus bas, apportent ce côté méditerranéen (on coule vers le Rhône) qui marque mes poèmes de couleurs optimistes, du bonheur des rencontres et des partages.


Q : Vous avez écrit quatre recueils d'une série où vous mettez en scène les éléments de la nature : l'air, l'eau, le feu et la terre. Comment expliquez-vous l'intérêt de ces éléments dans vos livres, quelle signification apportent-ils ?

R : Je me ressource dans la nature. Marcher sur des chemins de terre en campagne, grimper et fendre les airs aux sommets des montagnes, nager dans les eaux bleues du lac, veiller assis devant le feu de la cheminée, toutes ces activités éveillent en moi des sensations que j'aime partager. J'ajoute la lumière à ces éléments, qui sont la base de la vie, pour une méditation plus intense. Ils soufflent l'énergie au poème, lui donne la puissance du vital, la signification du bonheur. La joie de vivre se trouve dans la simplicité des quatre éléments. En toute humilité.


Q : votre œuvre accompagne d'autres arts : peinture, photographie de la nature ; musique (vous avez enregistré deux cd) ; quelle est la relation entre la poésie et ces domaines artistiques ?

R : Le cadeau le plus précieux pour moi, c'est de travailler avec un artiste qui s'exprime autrement. La différence s'exprime non plus en mots, mais en couleurs ou en mélodies. C'est un merveilleux complément à la poésie. Quand le peintre ou le musicien apporte une culture étrangère, c'est encore plus excitant, car la dimension du partage devient infinie, sans frontière. J'ai des projets avec des artistes suisses, français, québécois, marocains, irakiens, allemands et même avec un roumain. Le pacifisme, la fraternité se construit par des projets communs, dans le respect de l'autre.


Q : Votre livre, "Passion du Tigre", est traduit en arabe, en allemand également, sous le titre "e-mages satellites" ; La traduction ne vous pose-t-elle pas un problème dans le sens ou elle emmène le texte dans une certaine direction ?

R : Ce qui est important à mes yeux, c'est de laisser au poème une certaine liberté dans le texte. Reproduire la rime, le rythme à l'exactitude donnerait une rigidité au texte, lui ôtant toute légèreté. La difficulté est de garder le sens des mots, le message du poème, avec un texte qui coule bien, qui sonne bien à la lecture. En fait il s'agit d'écrire un poème jumeau dans une autre langue : chacun des deux textes à une âme et une personnalité. La joie de porter les poèmes dans un autre lieu, dans une autre langue, devant un public lecteur différent, est immense.


Q : Vous étiez l'invité des Editions "Les Infréquentables" au salon international du livre de Tanger ; pouvez vous nous dire comment votre séjour s'est passé ?

R : J'ai beaucoup apprécié le lieu, au cœur de la ville, sur une place magnifique, près du cinéma Rif. Le contact avec le public tangérois a été enrichissant et passionnant. J'ai moins aimé la dominance des officiels, des écrivains, des cocktails dinatoires, des discours franco-français de Paris. Il me semble qu'une place plus importante doit revenir aux écrivains arabes, avec des lectures sur la place publique.


Q : Quel est le niveau de la présence du livre arabe en suisse ?

R : Le livre arabe est bien représenté en Suisse par quelques grands noms comme Khalil Gibran, Naguib Mahfouz, Mohamed Khaïr-Eddine, Tahar Ben Jalloun, Mohamed Choukri, Mahmoud Darwich, Nizâr Qâbani, Kateb Yacine, Adonis, Mohamed Bennis... Et bien d'autres. Je sais aussi que de nombreux écrivains et poètes arabes talentueux ne sont pas encore traduits en français. La Suisse à la chance d'avoir à Genève la librairie arabe "L'olivier", formidable lieu de rencontre culturel de la culture arabe. Sur leur site http://www.arabooks.ch on trouve toutes les activités, lectures, signatures, expositions.


Q : dernier mot ?

R : J'aimerai ici remercier de tout mon cœur tous mes amis arabes. Ils m'on fait découvrir avec amour et passion leur merveilleuse culture, ils m'ont permis aussi de partager avec eux mes valeurs, mon pays, la Suisse. J'ai un rêve : participer à une journée de la paix avec d'autres poètes, pour le peuple irakien, à Bagdad. Je m'en remets à Allah pour que ce vœu soit réalisé cette année.
Merci à vous, Azzeddine, de m'avoir accordé beaucoup de temps pour mieux faire connaître mon engagement dans la poésie.

Merci

Propos recueillis par Azzeddine Ketta
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Re: Entretien avec le poète suisse Bruno Mercier
Posté par suker le 05/07/2007 18:42:24
c'est vraiments scandaleux Mohamed Khaïr-Eddine,Mohamed Choukri,Kateb Yacine sonts pas des arabe il faut corriger ça.Ci des ecrivans berbere.
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L'auteur : Azzeddine Ketta
47 ans, Marrakech (Maroc).
Publié le 03 juillet 2007
Modifié le 25 juin 2007
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