| Honoré de Balzac : Le Chef d'oeuvre Inconnu Une petite critique sur le thème de balzac et la peinture à travers le chef d'oeuvre inconnu. C'est un travail universitaire que je me permet de vous présenter pour avoir votre avis, mais aussi pour vou partager mon point de vue... Bonne lecture.Balzac et la peinture
La peinture est très présente dans les romans de Balzac. En effet, il se sert souvent des tableaux pour présenter ses décors et personnages, et, use nombre de références picturales pour suggérer l'impression d'ensemble produite par un paysage ou souligner le caractère original d'un visage dont il fait le portrait. Certains textes Balzaciens sont même uniquement consacrés à la peinture comme Pierre Grassou, La maison du chat qui pelote, Le Chef-d'œuvre inconnu...
Balzac nous peint ici, en une trentaine de page, l'histoire d'un génie de la peinture qui, faute de compréhension des autres peintres face à son œuvre maîtresse, s'immole avec toute ses œuvres, dont son chef d'œuvre inconnu.
L'histoire commence au parvis de Porbus, grand nom de la peinture, où le jeune Nicolas Poussin, néophyte du milieu, y rencontre un vieux maître de la peinture que Balzac décrit comme un Rembrandt sans cadre.
Le jeune Poussin assiste à une véritable leçon de peinture quand, le vieux maître fait une critique draconienne d'un tableau de Porbus : "Ta bonne femme n'est pas mal troussée, mais elle ne vit pas. Vous autres, vous croyez avoir tout fait lorsque vous avez dessiné correctement une figure et mis chaque chose à sa place d'après les lois de l'anatomie (...)"
Puis, une fois présenté au deux autres protagonistes, Poussin se rend en leur compagnie chez le vieil homme, ou il découvre en Frenhofer, le vieil homme, un génie : "Tudieu ! Je suis donc chez le dieu de la peinture". Mais il apprend surtout que le vieux peintre cache en fond de son atelier son œuvre maîtresse sur laquelle il travaille passionnément depuis dix ans.
Ce dernier prétend ne pouvoir la montrer tant qu'elle ne sera achevée. C'est ici qu'intervient un nouveau personnage, Gilette, femme de Poussin, qui orne le titre de la première partie. Poussin prête en modèle l'exceptionnelle beauté de sa femme contre un coup d'œil à la Catherine Lescault, nom que donne le vieux Frenhofer à son œuvre maîtresse.
Lorsque, fièrement, le vieux peintre exhibe pour la première fois à ses amis sa toile, ceux-ci n'y voient que chaos et ne discerne d'une femme, après un minutieux examen, qu'un bout de pieds nu oublié sous l'amoncellement de couleurs.
Par la suite, Frenhofer est pris d'une soudaine révélation et, à son tour, vois qu'il ne vois rien, avant de se reprendre et, croyant à un stratagème de deux jaloux pour lui voler sa toile. De renvoyer sagement les deux peintres chez eux. Il se donne la mort par le feu, la nuit même, emportant avec lui son génie, et toutes ses œuvres.
C'est au début de la grande décennie balzacienne, (1830-1840) que Balzac écrit le chef d'œuvre inconnu, nouvelle qui sera par la suite rangée auprès des grands textes balzaciens. Cette nouvelle est l'œuvre de référence pour analyser la relation entre la peinture et le grand romancier.
D'après plusieurs études sur Le chef d'œuvre inconnu, les sources de Balzac pour l'écriture de la nouvelle, seraient très restreintes. Certains penchent pour seulement quelques ouvrages de peinture. Ainsi, Pierre Laubriet dans son catéchisme esthétique1, affirme que les références picturales sources de l'écriture du chef d'œuvre inconnu tiendrait en quatre ouvrages : les entretiens de Félibien (1666 – 1668), le guide des amateurs de tableaux pour les écoles allemandes, flamandes et hollandaises de Gault de Saint-Germain (1818), et surtout les quatre volumes de la vie des peintres flamands, allemands et hollandais de Descamps (1753 – 1763).
En effet, il précise que Descamps "rapporte l'anecdote de la robe en papier peint que fit Mabuse afin de remporter une étoffe vendue pour boire. Seul Descamps rapporte cette histoire ; Balzac n'a pu la découvrir que la."
Nicole Cazauran, dans sa rédaction de Catherine de Médicis et son temps dans la comédie humaine2, prouve pourtant que la source principale de Balzac n'est autre que la biographie universelle de Louis-Gabriel Michaud. Comme le remarque Adrien Goetz3, on retrouve en effet, et sans surprise, dans les cinquante-deux volumes publiés entre 1811 et 1828 que possédait Balzac, la fameuse anecdote du costume en papier peint et tout ce qui est dis de Poussin et Mabuse.
Poussin et Mabuse sont déjà des grands noms de la peinture. Reste Porbus, inspiré de Pourbus, et surtout Frenhofer dont on ne trouve pas de relations directe avec un grand peintre. Nombreux sont à penser qu'il s'agit de Delacroix. En effet le dialogue dans lequel Frenhofer critique Porbus semble, selon F. Pitt-Rivers "s'appliquer à Ingres et à Delacroix"4...
Balzac semble par ailleurs avoir beaucoup subit l'influence de Delacroix. Que ce soit dans Le chef d'œuvre Inconnu, La fille aux yeux d'or (ouvrage dédié à Delacroix), Pierre Grassou (référence à Delacroix : "Les injures prodiguées à Delacroix, à Ingres, n'ont pas moins servi leur renommée que l'éloge et le fanatisme de leurs adhérents."), La Rabouilleuse (Le modèle de Joseph Bridau est Delacroix)...
Il rencontre en effet Delacroix vers 1829-1830, une année avant l'écriture du chef d'œuvre inconnu. De même quand, un an après la mort de son père (le 19 juin 1929), il écrit une nouvelle intitulé l'élixir de longue vie, qui met en scène un fils au lit de mort de son père. Ou encore quand il fait la critique du salon du 1er Mars 1839 dans Pierre Grassou...
Mais Delacroix n'est pas son seul et unique peintre référent.
Ainsi, il cite considérablement Raphaël pour les portraits féminins (La maison du Chat-qui-pelote, Eugénie Grandet, La cousine Bette), Rembrandt pour les portraits d'hommes âgé (Le colonel Chabert, Béatrix, Le chef d'œuvre Inconnu, et même la peau de Chagrin), mais aussi Michel-Ange (La maison du Chat-qui-pelote), Titien (La vieille fille), Rubens (La vieille fille, Les Petits Bourgeois), Girodet (Béatrix), Véronèse (Illusions perdues), Gérard Dow ou Gerrit Dou (Béatrix)...
Balzac très tôt intéressé par les arts, se fait collectionneur vers 1846 avec Sebastiano del Piombo, Holbein, Guido Reni, Van Dyck, Greuze, Le Dominiquin. Le romancier s'entiche de toutes sortes de peintures et est pris à des excès de "bricabracomanie"5.
Il connais bien les milieux artistiques de son temps mais est loin d'en être un spécialiste. Il confond par exemple, les dates dans Pierre Grassou lorsqu'il évoque les grands salons ou exposèrent les romantiques.
Cependant, les conversations avec ses amis artistes lui permettent d'avoir un vocabulaire du milieu et notamment pour retoucher maintes et maintes fois le chef d'œuvre inconnu dans les nombreuses rééditions suivants celle de 1931. (pour retrouver les anciens textes, se reporter directement à l'édition de la pléiade) 6.
Balzac, en tant que simple amateur du milieu pictural, donne ici une leçon de peinture plutôt anachronique pour ses contemporains. On peut en effet voir ici Balzac en prophète de l'abstraction. La peinture en était encore au romantisme que Balzac affirme déjà, même si ce n'est qu'à travers le personnage de Frenhofer que les peintres ne sont pas "vil copiste", "mais poète !"
On peut toujours penser à l'influence de Delacroix qui dit : "la nouveauté est dans l'esprit qui crée, et non pas dans la nature qui est peinte"7. Seulement, c'est bel et bien Balzac qui, toujours en avance sur son temps, affirme que "La mission de l'art n'est pas de copier la nature, mais de l'exprimer !".
Frenhofer à force de perfection, de retouche, de recherche du mimétisme, finit par n'avoir rien d'autre sur sa toile qu'un profond chaos de couleurs et de nuances incertaines.
Seulement, c'est d'un travail de dix années dont il s'agit. Balzac, aurait alors vu la notion d'abstraction comme la perfection ultime du mimétisme ?
Bien sur, il est facile de croire la en un malentendu, en un simple concours de circonstance. Le but de Balzac était plus de plaire au public que de parler sérieusement de peinture.
On peut en effet aisément voir en Balzac un prophète malgré lui.
Il le dit lui même en 1830, dans un article de La Silhouette intitulé Des artistes : "Il est reconnu qu'il [l'artiste] n'est pas lui même dans le secret de son intelligence" Toujours conscient de son inconscience, il dira aussi : "[l'artiste] doit paraître déraisonner fort souvent. Là où le public voit du rouge, lui voit du bleu." "Le génie de l'artiste peut certes être comparé à une difformité du cerveau, à une folie, mais c'est croire que la perle est une infirmité de l'huître." On ne sait réellement si par l'artiste, Balzac ne pensait pas et le peintre, et l'écrivain. Ainsi, il se met dans le même bain que son Frenhofer, à la merci d'un public ignare qui associe la folie et la grande ingéniosité.
On voit en Frenhofer un véritable Balzac. Génie dans son genre, d'une rare productivité, qui consacre sa vie à son œuvre. Edition, après édition, le romancier retravaille, retouche, repeint chaque détails pour mieux "faire circuler l'air" autour des personnages, pour rendre plus vivant son récit...
C'est en effet une habitude pour Balzac de créer des personnages qui le caractérise. Comme un père, il leur donne ses gènes, et, la plupart d'entre eux possèdent son humeur propre au moment de l'écriture. C'est après la mort de son père qu'il écrit l'élixir de longue vie, c'est dans un moment de déprime qu'il rédige la peau de chagrin, et c'est certainement dans des moments de doutes qu'il compose le chef-d'œuvre inconnu.
On peut toujours penser Delacroix comme source d'inspiration pour le personnage de Frenhofer, mais il ne faut pas oublier Balzac qui se retrouve lui même dans son personnage.
Une courte étude de Pierre Grassou semble intéressante dans l'optique où cette autre nouvelle picturale, écrite dix ans après, est aux antipodes du chef-d'œuvre inconnu.
En résumé, Pierre Grassou, peintre médiocre, déprécié des autres artistes-peintres, se fait tant bien que mal un nom dans la peinture. C'est en effet, après des années d'acharnement et de restrictions qu'il se fait aimé de la bourgeoisie ignare parisienne. L'histoire s'achève en bon terme pour M de Fougère, comme il se fait communément appeler puisqu'il se marie avec une bourgeoise très aisée. C'est chez cette même bourgeoise qu'il retrouva toutes ces toiles-pastiches, fièrement accrochées dans la galerie par le maître de la maison qui pensait avoir là des originaux. A la révélation de l'honnête artiste, le fier Bourgeois le prend pour un génie et lui donne la main de sa fille.
Autant Frenhofer était un génie incompris, autant Grassou est un "gâcheur de toile". Dans le chef-d'œuvre inconnu, on ne parle que peinture, que ce soit technique où passionné, alors que dans Pierre Grassou, il y à un circuit parallèle aux œuvres d'arts qui est celui de l'argent. Ce n'est plus l'art pour l'art, à proprement parler. De plus, c'est dans Pierre Grassou que le pasticheur à de l'estime, non pour l'invention, puisque après tout ce n'est que pale copie, mais pour le résultat, résultat impossible sans un réel talent.
Si Balzac décide de se faire écrivain, en 1819, ce n'est pas seulement par amour pour l'écriture. C'est d'ailleurs la raison de sa réputation commune de faire d'interminables descriptions, le romancier était payé à la ligne. Balzac sais aussi parfaitement que créer passe par la copie. Le talent ne s'arrête pas là. Que ce soit Frenhofer ou Balzac, l'artiste passe déjà irrémédiablement par la copie (de la nature), ne serai-ce qu'au tout début, avant d'en arriver à cette "muraille de peinture"
En 1831, Balzac à travers Frenhofer montre une certaine hantise, celle d'être incompris du public. C'est avec Pierre Grassou, en 1839 qu'il se libère de cette peur. On voit en effet une progression d'entre les deux œuvres, ce qui leur donnent cet état antinomique.
Bien sur, je ne prétend nullement à l'exhaustivité dans cette courte analyse sur le chef-d'œuvre inconnu. L'important était de souligner les points de relation entre le romancier et la peinture à travers le chef-d'œuvre inconnu. D'autres points de vus sont tout à fait possible, et je n'affirme rien de certain quant à ce que j'ai précisé.
Ainsi, il serai agréable à penser de Balzac, non seulement d'un grand romancier, mais encore d'un artiste à part entière, qui sais mélanger et la peinture et le récit.
Nombreux cherche à déceler les mythes fabriqués, certains peuvent penser Balzac en prophète de l'abstraction, d'autre en piètre peintre, celui-ci ne restera pas moins l'auteur du chef d'œuvre inconnu, qui aura tant suscité l'intérêt des peintres, qui sera réalisé en film 160 ans après8, qui aura fait monter les larmes aux yeux de Cézanne9. Car après tout, n'est ce pas là la mission de l'art ?
Bibliographie
1_ Pierre Laubriet, Un catéchisme esthétique, Le chef d'œuvre inconnu.
2_ Nicole Cazauran, Catherine de Médicis et son temps dans la Comédie humaine, Genève, Librairie Droz, 1976, p. 109-111
3_ Adrien Goetz, Frenhofer et les maîtres d'autrefois, l'Année balzacienne, 1994
4_ Françoise Pitt-Rivers, Balzac et l'art, Editions du Chêne, 1993
5_ Cousin Pons, édition Folio, (préface de Jacques Thuillier, postface/notes d'André Lorant)
6_ On retrouve aussi la version de 1831 dans le catéchisme Esthétique de Pierre Laubriet
7_ Eugène Delacroix, Journal, 14 mai 1824
8_Jacques Rivette, La Belle-Noiseuse, 1991
9_Emile Bernard, Souvenirs sur Paul Cézanne, Mercure de France, 1925. | | |
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