| Hubert-Félix ThiéfaineOn le surnomme le "Grizzli des Montagnes Jurassiennes". Hubert-Félix Thiéfaine, 57 ans, est probablement l'un des auteurs-compositeurs-interprètes français les plus secrets et mystérieux. Passant allègrement d'une "Autorisation de délirer" à des "Fragments d'hébétude", il nous revient avec un "Scandale mélancolique".Tout commence le 21 juillet 1948 à Dôle dans le Jura. Le petit Hubert-Félix, cinquième d'une famille de six enfants est issu d'une famille assez modeste. Les études ne sont pas son fort. On envisage d'abord pour lui une filière technologique puis, à l'orée de ses douze ans, ses parents, ne sachant plus que faire de cet enfant turbulent mais timide et renfermé, l'envoient dans un pensionnat catholique. C'est le drame. Il est la risée de ses camarades, se renferme chaque jour un peu plus. Au demeurant, cette histoire rappelle un peu celle d'Alain Souchon.
Pendant que ses camarades jouent dans la cour, il commence à s'intéresser aux grands poètes comme Rimbaud et aux écrivains comme Baudelaire. Alors qu'il sort de ce pensionnat quelques années après, vers 16 ans, il monte avec Alain Carbonare son premier groupe qui s'appellera "Machin". Nous retrouverons Carbonare tout au long de la carrière du chanteur, en tant que musicien, arrangeur, producteur, ... Dans ce groupe, un certain Claude Mairet joue de la gratte. Ce nom va aussi marquer la carrière du chanteur car pendant toute la période 1981-1989, c'est lui qui lui composera la plupart de ses musiques.
Après avoir obtenu son Bac A (Littéraire), il "fréquente" la fac de Lettres puis de Psychologie de Besançon. Avec "Machin", il prépare un éventuel premier album et se produit à partir de 1975 dans les cabarets de la région parisienne à la recherche d'un producteur. Les concerts de font pas recettes et il monte un commerce ambulant de margarine qui ne marche pas non plus. C'est ainsi qu'il se retrouve à vivre à la rue.
Autorisation de délirer
Il y vit toujours quand sort son premier album, "Tout corps branché sur le secteur étant appelé à s'émouvoir", en 1978. Il a 30 ans. Ce premier album, cette "carte d'identité" comme il le nomme lui-même, remporte un succès d'estime. Quelques milliers d'exemplaires vendus seulement. Toutefois, il prépare quand même le deuxième opus. Ce sera "Autorisation de délirer". La sortie en 1979 de ce deuxième album correspond également à ses débuts avec la drogue (notamment l'héroïne) et l'alcool. Les textes deviennent sombres ("Alligators 427") et décident de ce que sera la "marque Thiéfaine". Une série de concerts marathon puis un troisième album quasiment inaperçu, "De l'amour, de l'art ou du cochon", en 1980.
Thiéfaine cherche futur
Mais Thiéfaine dit lui même qu'au moment d'enregistrer ce 3ème opus, il travaille déjà sur le suivant, "Dernières balises (avant mutation) " (1981). Ce sera son premier disque d'or. Un vrai triomphe pour ce petit provincial timide. Pourtant, pas question de s'endormir sur ses lauriers : "Soleil cherche futur" sort l'année suivante. On y retrouve deux grands standards : "Loreleï Sebasto Cha" et "Les dingues et les paumés". S'ensuit alors une tournée très longue, très lourde et très fatigante, en France et dans les pays francophones. Un premier album live, "Thiéfaine en concert" (1983), reste la trace de cette tournée. HFT tombe alors dans une période de fatigue et de doutes. Il se fait oublier tant et si bien qu'un jour, les journaux annoncent son décès des suites d'une overdose. Pour contrer cette rumeur, il prépare "à la va-vite" son 6ème album, "Alambic/Sortie-Sud" qui sort fin 1984. Les textes sont de plus en plus noirs. Il rencontre sa femme l'année précédente.
Eros über alles
Si les années 1984-1985 sont assez pauvres artistiquement, il nous revient en 1986 avec "Meteo für nada" : 9 petits bijoux taillés comme des joyaux. De nombreuses chansons issues de cet album parcourent ses concerts comme "Bipède à station verticale" ou encore "Zone chaude môme". Cependant, les chansons qui deviennent des classiques restent "Sweet amanite phalloïde queen" (où l'on sent très clairement le côté anarchiste de Thiéfaine) et "Affaire Rimbaud", un de ses textes les plus hermétiques. On y sent tout de même un hommage à son auteur fétiche, mais le sens profond du texte reste très obscur. Moins sombre que sur "Alambic/Sortie-Sud" ou "Dernières balises", Thiéfaine vient d'être papa d'un petit Hugo, à 38 ans. Thiéfaine lui dédiera "Septembre rose" sur le dernier album de cette période, "Eros über alles" (1988), qui sera aussi le dernier album de sa collaboration avec Mairet. "Droïde song", "Was ist das Rock'n'roll", "Pulque mescal y tequila" ou "Je ne sais plus quoi faire pour te décevoir" se bouscule sur la tracklist des concerts. D'une tournée démentielle de part la taille des salles et de la quantité de matériel naît "Routes 88", le troisième album live du chanteur jurassien.
A la suite d'une mauvaise gestion et de magouilles plus ou moins frauduleuses, la maison de disques de Thiéfaine, la société Sterne, met la clef sous la porte, son producteur lui colle un procès sur le dos suite à cette affaire (Thiéfaine sortira blanchi). Ajoutez à cela le "divorce" d'avec son grand ami, guitariste et compositeur Claude Mairet, HFT a besoin de se ressourcer. Il part à New York, compose et enregistre avec de nouveaux musiciens.
Hébétude bluesymentale
"Chroniques bluesymentales" sort en 1990. On y sent les influences américaines, mais les mélodies sont moins bien ficelées. Thiéfaine compose dorénavant seul et ça se ressent. S'ensuit une tournée en France et dans les pays francophones. Mais Thiéfaine ne s'arrête pas là. Il récidive en 1993 avec "Fragments d'hébétude", enregistré à Los Angeles. Thiéfaine considère cet album comme la suite de "Chroniques bluesymentales" car dans le même esprit. Néanmoins, cet album est plus rock, plus électrique et la tournée qui suit reste dans ce ton. "Fragments d'hébétude" est probablement l'album le plus controversé de sa carrière. "Trop spécial" diront certains.
La tentation du bonheur ou bonheur de la tentation
1993, c'est aussi la naissance de son deuxième fils : Lucas. Thiéfaine semble retrouver le bonheur et l'exprime dans son 10ème opus : "La tentation du bonheur" qui sort en 1996. Sur ce disque, on retrouve "Tita dong dong song", écrite pour Lucas et enregistrée lors de son 3ème anniversaire. Désormais, sur les albums de Thiéfaine, il n'y a plus de grands classiques comme dans la période Mairet, ce sont ses albums qui deviennent des classiques. Deux ans plus tard sort le diptyque de "La tentation du bonheur" : "Le bonheur de la tentation". Thiéfaine semble adorer les albums qui marchent par deux ("Météo für nada"/"Eros über alles" ; "Chroniques bluesymentales"/"Fragments d'hébétude" ; "La tentation du bonheur"/"Le bonheur de la tentation"). Il y a même sur cet album une chanson, "Le chaos de la philosophie", reflet de "La philosophie du chaos" sur "La tentation du bonheur". Thiéfaine s'amuse et ces deux albums, excepté le très sombre "Exercice de simple provocation avec 33 fois le mot coupable", très ferréen, respireraient presque le bonheur.
13ème défloration
Thiéfaine heureux ? Non. Après Claude Mairet, c'est au tour d'Alain Carbonare, son ami d'enfance, de le lâcher pour construire sa propre carrière. Thiéfaine fait des tournées, mais ses albums live ne se vendent plus (30 000 exemplaires pour "Thiéfaine au Bataclan"). Thiéfaine sombre dans l'alcool, d'autant plus après le non succès de "Défloration 13" sorti en 2001 et l'échec de la tournée qui s'ensuivit.
Cependant, en 2004, après de graves problèmes de dos ("Je restais au lit 18h par jour" dit-il), il reprend le chemin de la scène, mais "En solitaire", "seul avec [sa] gratte". Il a réarrangé tout son répertoire et nous a distillé de nombreuses merveilles, ainsi que des chansons jamais parues et jouées en concert entre 1973 et 1977. Les fans apprécient cette tournée mais Thiéfaine hésite à sortir un live. "Je préfère me concentrer sur mon prochain album" dira-t-il.
Scandale mélancolique
"Je savais qu'il y avait cette génération qui avait repris mes chansons, donc j'avais envie d'aller plus loin dans l'histoire et leur proposer, puisqu'ils avaient fait ça dans leur coin, de le faire avec moi ! Je vous trouve super, j'adore ce que vous faîtes et puisque vous aimez aussi ce que je fais, on va essayer de créer quelque chose ensemble."
En 2002 est sorti un hommage à Thiéfaine par la nouvelle scène française (Bénabar, Mickey 3D, la Grande Sophie, ...) et s'intitulait "Les fils du coupeur de joints, tribu à Thiéfaine". C'est ainsi que HFT a eu l'idée d'intégrer cette nouvelle chanson française dans son nouvel album, "Scandale mélancolique", sorti le 17 octobre 2005. C'est un vrai trésor et je vous le conseille vivement !
Si les textes sont assez sombres ("Confessions d'un never-been") ou surréalistes ("La nuit de la Samain"), on n'y trouve tout de même pas moins de trois hommages : un aux femmes ("Gynécées", en duo avec Cali), un à ses parents ("When Maurice meets Alice") et enfin un très controversé à Bertrand Cantat ("Télégramme 2003"). A propos de ce dernier hommage, il dira "C'est une chanson qui s'adresse à tous ceux qui ont eu une minute d'égarement tragique, dramatique, dans leur vie et qui, ensuite, on un remord éternel. C'est le thème de la chanson. Des accidents, ça peut arriver dans la vie à tout le monde, c'est humain."
Tout corps vivant branché sur le secteur étant appelé à s'émouvoir
Sombre (l'utilisation massive d'oxymores donnent un caractère particulier à son écriture), anticonformiste (il se dira royaliste en plein Mai 68 puis anarchiste sous De Gaulle !), apolitique, Thiéfaine fait parfois peur. Les médias le boudent jusqu'en 2005 : "J'ai fait autant de télés depuis la sortie de mon dernier album qu'en 25 ans de carrière ! " dit-il en riant à Christine Bravo sur le plateau de "On a tout essayé", tout en précisant qu'il a accepté absolument toutes les invitations qui lui on tété adressées.
Il n'en reste pas moins engagé ("Alligators 427" contre le nucléaire 10 ans avant Tchernobyl, dernièrement contre la fermeture d'une école dans le Jura,...) et sait faire passer des messages, dans ses chansons ou dans ses trop rares interviews.
2006 sera une année marathon pour le plus méconnu des célèbres, avec de grosses machines cette fois ! Pensez à voir s'il ne passe pas loin de chez vous, c'est sur scène qu'il offre d'une part un large aperçu de 30 ans de carrière, et d'autre part la plus grande preuve de son talent certain.
Thiéfaine, on te salut ! | | |
| . Voir tous les commentaires et/ou en poster un (3) | | Re: Hubert-Félix Thiéfaine Posté par bob le rouge le 05/12/2009 23:27:16 | Ben va falloir réviser!!!
Thiéfaine et Machin sont deux projets différents!!
Machin est un groupe de Montbéliard, réunissant gilles Kusmeruk (orthographe approximative)(piano violons...) tony carbonare (basse) jean paul simonin (batterie et trompette....), Alain Carbonare (piano) et jean pierre robert à la guitare. Tous jouaient aussi du dulcimer et du psaltérion fabriqué par Alain, dont certain avaient des tailles impressionnantes.
alain carbonare, membre à la création du groupe l'a quitté pour s'orienter davantage vers la lutherie, ce qui fut un succès, que tous les grand violonistes soulignent.
Thiéfaine (qui est de Dole) jouait seul avec sa guitare (comme binoche à l'époque), et c'est lors d'un concert organisé à clermoulin (à coté de clerval dans le doubs) que le groupe Machin à accompagné Thiéfaine. La colaboration fort sympathique dura quelques temps, puis le groupe se sépara doucement pour ne devenir que "les musiciens de thiéfaine". Gilles retourna à son métier d'instit (je crois) jean pierre parti jouer de la guitare et chanter en solo (en suisse il me semble), il fut d'aileurs remplacé par Jason à la guitare. Jean Paul monta son école de batterie à Lure (70). Tony s'orienta vers une carrière de producteur, et fut au début le prod de thiefaine. Le départ de tous ces cadre fait perdre, à mon avis, beaucoup de richesse créatrice à thiéfaine.
Je pense avoir fait le tour de mes souvenirs, et surtout n'hésitez pas a rechercher des infos sur "le très véritable groupe machin" qui c'est reformé le temps de quelques concerts il y 2ou 3 ans.... | | Re: Hubert-Félix Thiéfaine Posté par tributetosoad le 06/02/2006 11:11:38 | pfffffffffff... que dire... tu me donne envie de plonger plus profondément dans l'univer musicale de thiefaine... très bon article, bien monté, compréhensible et absorbant!! | | Re: Hubert-Félix Thiéfaine Posté par f.m.koj le 04/02/2006 03:33:13 | Excellent article. Sans être un inconditionnel d'HFT, j'apprécie particulièrement certains de ses textes, sans connaître son histoire. Et cet article a son intérêt. Merci. | | . Voir tous les commentaires et/ou en poster un (3) |
|
|
Connectés : 0 membres et 450 visiteurs |
|
|