| Je m'appelle Jean-Philippe, 26 ans, petit bourgeois dubitatifDans la tête d'un type qui n'a rien demandé et ne revendique rien.Je me prénomme Jean-Philippe, j'ai 26 ans et aujourd'hui je m'interroge. J'ai terminé des études de commerce et travaille aujourd'hui dans un grand magasin qui vend des salons. Mon travail n'est pas toute ma vie, très loin de là. C'est mon gagne-pain, c'est ce qui me fait vivre. Quand je ne travaille pas, je rencontre gens, je lis des livres, je fais l'amour, je fais du sport et d'autres choses. Je passe le temps, comme on dit, je prends un peu de plaisir, mais je suis en proie au doute. Je connais l'absurde d'une vie et je sais qu'on oublie cet absurde par le plaisir, les sourires, le sexe, les illusions, l'amour, les rêves temporaires. Je ne pense pas que je soie heureux. Tout au mieux les choses ne vont pas au pire en ce qui me concerne : j'ai une petite vie pas forcément désagréable, avec ses joies et ses peines, plus souvent des joies pour ma part. Mais ces petites satisfactions ne me mènent pas bien loin, et je sais que quand je serai mort, tout aura été vain. Le bonheur lui-même, que je ne connais pas, me semble inintéressant. Qu'est-ce que c'est ? Un oubli temporaire voué à disparaître, une plénitude, une sensation de bien-être ? Cela je le connais au creux des femmes, à la fin d'un bon repas ou lorsque je gagne mon lit épuisé, mais je n'appelle pas cela le bonheur. Le sens d'une vie est une illusion à laquelle je n'ai pas cru très longtemps. Il est vrai que je pourrais m'installer, me trouver une femme et engendrer deux ou trois moutards qui vivront à peu de choses près la même vie que moi, une vie de moyen, loin de la souffrance permanente mais loin aussi des grands sentiments.
Mais autre chose me préoccupe. Je suis ce qu'on appelle un petit bourgeois. Je suis assez d'accord avec cela : ce que l'on place derrière ce mot me correspond assez bien, je trouve. Et je suis au centre de haines. Certains gens aux idées en bannière me calomnient et me méprisent, pour eux je suis l'ennemi. Pourtant, en regardant ma vie d'un œil assez reculé, je suis un être moyen, plus ou moins inoffensif, pas spécialement mal intentionné ; et ils voudraient que je me sente coupable. Il est vrai que je sois relativement indifférent au sort des autres : c'est que "les autres" me semble une appellation très abstraite, qui regroupe des gens que je ne connais ni ne comprends, dont j'ignore certainement l'existence de la majeure partie d'entre eux. Je n'ai pas de problème avec cela, l'individualisme m'a toujours semblé préférable à l'abandon de soi au profit d'une idée théorique. Si je devais m'intéresser à la politique de près, ce que je ne fais pas, je crois même que je revendiquerais l'individualisme sans honte, tant il me semble aller de soi que l'intérêt d'une politique est de s'intéresser aux citoyens en ce qu'ils ont de fifférences entre eux, de spécificité. Je ne comprends pas tous ces agités qui seraient prêt à se sacrifier pour une idéologie qui ne tolère pas l'exception.
Mais c'est bien moi la cible. Dans leurs discours je le ressens, je fais partie pour eux de cette "masse indifférente" qui rend l"oppression" possible. Je suis donc à abattre sur le chemin de la "révolution". Selon eux, soit je suis avec eux, soit je suis contre eux. Mais je n'ai pas envie de prendre part à ce genre de conflits. Je ne me sens ni oppresseur ni oppressé, et je ne vois pas pourquoi je m'engagerais dans une cause que je ne comprends pas. Je peux comprendre que la précarité économique puisse amener ses victimes à tout faire pour changer leur condition, mais il y a un hic : les plus remontés d'entre eux ne sont pas des pauvres mais des rebelles qui ne savent pas ce que c'est que la misère. Moi-même je ne comprends pas la diabolisation des patrons. Le mien est un gars qui me ressemble, pas vraiment heureux ni malheureux, qui aime boire son verre à l'occasion, se détendre, et qui n'est pas spécialement vache avec ses employés.
Que les gens veillent à leurs intérêts, je le conçois. Je conçois ainsi parfaitement les syndicats, je conçois parfaitement le social, et l'approuve, je conçois parfaitement la lutte pour des droits, tout ceci est normal. Chacun veille à avoir une vie décente, c'est la moindre des choses. Mais ce qui me gêne, c'est tout ce qu'il y a de haine et de volonté de vengeance chez ceux qui crachent sur les "petits bourgeois". Je les verrais presque en train de bander au cours d'une belle grande exécution publique de tous les "connards de capitalistes". Ils se ficheraient pas mal de que je pense, ils ne cherchent pas à comprendre ce que des gens comme moi sont et font. Nous n'avons rien d'extraordinaire et nous essayons de vivre notre vie comme nous le pouvons. L'on nous reproche parfois de ne pas avoir d'idéaux, mais je crois que l'idéal est un beau mensonge, qui galvanise et sert à lutter contre l'absurde, au même titre que le plaisir. Il y a en plus leur sensation de force lorsqu'ils hurlent leurs slogans en groupe. Ils se fondent dans une troupe, ils laissent à d'autres le soin de penser à leur place. L'un deux m'a craché un jour que je ne me préoccupais que de ma personne, je lui ai répondu que quant à lui il avait peur de se préoccuper de la sienne, peur du vide qu'il ressentirait au moment de se tourner vers lui-même.
Et s'il est vrai que cette vie que je mène est quelquefois un peu fade, je crois que celle de gens comme celui-là qui me méprise prépare de nouveaux coupages de tête qui ne mèneront à rien d'autre qu'à verser encore davantage de sang sur le dos de l'histoire.
Je suis un petit bourgeois, oui, et je refuserai toujours de consentir à me sentir coupable alors que toute vie humaine est a priori absurde et innocente. Tous ces prétendus sans dieux ont rebâti un tribunal, impitoyable, aveuglement vengeur, et un millier de fois plus sot que tout ce qui comparaîtra devant lui.
Il me reste ma petite vie, et je ne laisserai à plus personne d'autre qu'à moi-même le droit de la dévaloriser. Si tout ceci est un rapport de force, alors je ne cèderai pas, car je revendique, moi aussi, ma liberté et ma dignité. | | |
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Ensutie festisat il n'est pas obligé d'avoir ca pour avoir une vie "meilleure" ou prendre conscience...Dis moi est-ce que tu souhaiterais avoir ca ? Non je ne pense pas...Alors fais le rapprochement avec cette phrase --> Ne fais pas aux autre ce que tu ne voudrais pas que l'on te fasse... Ou peu etre es-tu simplement jaloux de lui...A toi de voir maintenant...
Sinon je suis dacor avec wiseman --> "Fais chaque jour une chose qui t'effraie" cela pourra surement marcher... | | Re: Je m'appelle Jean-Philippe, 26 ans, petit bourgeois dubitatif Posté par rahan le 28/05/2006 22:32:34 | j'ai aussi beaucoup aimé. je verrai bien ce texte au début d'une pièce de théâtre, comme monologue. ça pourrait être le début d'une histoire folle, voire métaphysique :) Continue à écrire! | | Re: Je m'appelle Jean-Philippe, 26 ans, petit bourgeois dubitatif Posté par f.m.koj le 27/05/2006 10:13:12 | Une fiction, oui, qui se présente comme un renversement d'un point de vue bien souvent entendu. Quant au manque de mordant, est-ce vraiment étonnant de la part d'un individu fondamentalement pondéré ? | | Re: Je m'appelle Jean-Philippe, 26 ans, petit bourgeois dubitatif Posté par tchit le 25/05/2006 20:45:45 | mdr wiseman, je suis daccord avec ton commentaire à propos de festisat ;)
Je suppose que c'est une fiction (f.m.koj ressemble plus à d'Artagnan qu'à un petit bourgeois ;) ).
Et c'est parce que c'est une fiction que ce texte est franchement interessant. Malheureusement je trouve qu'il manque une certaine prise de position et un manque de cynisme. Car après tout, l'homme qui se décrit dans l'article est un hypocrite. Pourtant on sent que le texte est un vrai réquisitoire pour la défense du petit bourgeois et c'est gênant. Car alors on se trouve en face d'un article beaucoup trop proche de ce que dirait un petit "Jean-Philippe" et qui manque au fond de mordant. | | . Voir tous les commentaires et/ou en poster un (10) |
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