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L'entrée des artistes, suite et (enfin) la fin

Pour tous ceux qui veulent connaître le dénouement de cette sombre histoire.


J'entre dans une grande salle, pleine à craquer. Environ deux cent personnes me dévisagent, je n'en connais pas la moitié.

Je vais à "la barre", je me tiens droit. Devant moi, monsieur le juge, que je reconnais pour l'avoir vu à la télévision lors de grands procès, me fixe froidement. Je n'ai pas une chance.

Mon dos et ma nuque me brûlent, car je sais que je suis regardé par tous ces gens avides de scandales. J'ai aperçu ma femme, ainsi que ses parents, et ma mère, au premier rang.

Je n'ai pas aperçu Maxence et sa femme, mais je suis sûr qu'ils sont là, quelque part.

Personne ne parle pendant un long moment. Il y a des grincements de chaises, des éternuement, des raclements de gorge, des froissements de papier, quelques chuchotements insolents.

Pour ma part, je n'ai aucune idée de ce qui m'attend, je n'ai jamais assisté à un procès de ma vie. J'ai toujours trouvé impudique d'aller ainsi au spectacle.
"Qu'est ce que tu as fait, ce week end ? Moi ? J'ai été au cinéma, et toi ? Moi, je suis allé au procès monsieur machin, c'était formidable, beaucoup d'émotions, beaucoup de larmes !"
Je trouve tout cela grotesque.


Le juge ainsi que sa belle petite robe noire ne bougent pas d'un poil, on les croirait en plâtre, et je souris presque en imaginant cet homme fort et viril, à la voix de ténor, demander à sa femme :
_ "As tu repassé ma robe, chérie ?"

Ha ! Enfin, le juge s'adresse à moi. Il me pose diverses questions inintéressantes dont toute la ville connaît déjà les réponses, une sorte de petit jeu, qui consisterait à savoir si je connais bien ma vie. Dommage, qu'il n'y ai rien à gagner, pour une fois que je connais toutes les réponses.

Une demi-heure environ après le début de l'interrogatoire, il me demande de raconter comment j'aitué mon fils de sang froid', ce sont ses propres termes.

Alors, sous les regards de tous ces gens que je ne connais pas, sous les yeux de ceux que je connais bien, aussi, je raconte...

_ "Ca c'est passé le lundi 25 septembre, vers 18h.
Ma femme avait couché Benoît, et il dormait.

C'était la première fois que je prononçais le prénom de mon fils depuis sa mort, et je dû m'arrêter, et répéter son nom. Il me sembla alors l'entendre pour la première fois, et je me rappelais jour où nous avions choisi ce nom. Mais il fallait que je continue de parler, mes spectateurs s'impatientaient.

_Je suis entré dans la chambre, comme je le faisais tous les soirs en rentrant du travail.
Ce soir la, il avait été encore plus malade que d'habitude, et je...

_Pourriez vous nous décrire la maladie de votre fils, monsieur Bossard ?

Ca, c'était un coup bas, très bas.
C'était comme s'il m'avait dit : "Vous souffrez, hein ? Dites-nous comment vous souffrez, ça nous intéresse !"

Et puisque ça l'intéressait, je n'ai tu aucun détail.

Mon fils était atteint d'une maladie que l'on appelle l'éléphantiasis, ou filiarose lymphatique. C'est une malformation d'un ou plusieurs membres. A deux mois, mon fils avait le bras et la jambe droite aussi épaisses que celles d'un adulte bien portant.
Son épaule gauche ainsi que son front étaient déformés par des bosses...

Il avait un souffle au cœur. Il ne pouvait rester seul une seule minute, une crise de larme l'aurait tué.
Et tous ces médicaments, la DEC, la morphine, et je ne sais quoi d'autre encore.
Les piqûres, tous les jours.

Et je pleurais en parlant, et je revoyais toutes ces souffrances que mon fils avait portées en lui durant trois mois. N'importe quel homme présent dans la salle aurait sans doute préféré mourir que de souffrir autant.

Je me tu, attendant une réponse du juge, ou une nouvelle question, mais rien ne vint, pas même la rumeur de la salle.
Alors je relevais la tête. Et je sus à la tête que faisais le juge, qu'il était en train de regarder les rares photos qui avaient été prises.

A ma grande surprise, le juge se leva, et quitta la salle d'un pas pressé, les gens se mirent à chuchoter, puis à parler fort, personne ne savait ce qui se passait.

Il revînt au bout de quelques minutes, on voyait bien qu'il faisait un effort pour marcher droit.
Il se rassit à sa chaire et ferma bien vite le dossier où se trouvaient les clichés, puis me demanda de raconter la fin de cette soirée du 25 septembre.

_ "Comme je le disais, mon fils avait souffert plus que les autres jours, et ma femme avait été obligée de lui donner un calmant relativement fort, en plus des autres injections qu'il avait reçu, afin d'éviter qu'il ne pleure.

Ce soir là, en le regardant, les idées qui ma passaient par la tête depuis le début de sa maladie, quelques semaines au paravent ont refait surface, il fallait que je mette fin à ce cauchemar.
Je me suis penché au-dessus du berceau, et je l'ai regardé. Ce n'est même pas un bébé, j'ai pensé, ce n'est qu'une âme enfermée dans un corps difforme, et qui souffre...

Je fis une pause, dans la salle, toujours aucun bruit.

_J'ai parlé à mon fils. Je lui ai expliqué qu'il allait s'endormir un peu plus qu'il ne l'était déjà, et ne plus jamais se réveiller. Je lui ai dit qu'il ne souffrirait plus jamais, et que je viendrais bientôt le rejoindre, avec sa maman.

Alors, il a gigotté un peu, et il m'a sourit.

Je regardais le juge, à présent, les yeux dans les yeux.

_Il n'avait jamais sourit, au paravent.
J'ai pris un oreiller, et je lui ai mit sur la tête... J'ai appuyé... Alors il a bougé un peu plus, il a fait un petit bruit, et il n'a plus bougé. Quand j'ai enlevé l'oreiller, il était mort. Il n'a pas souffert, ça a pris deux minutes. Deux minutes, pour qu'il n'aie plus jamais à souffrir.

La suite du procès s'est déroulée sans moi, pour ainsi dire.
J'étais physiquement présent dans cette salle, je répondais aux questions comme un automate, mais j'étais ailleurs.

Quand l'interrogatoire fût fini, je retournais à ma place, à côté de mon avocat qui, cela m'avait surpris, avait été choisi et payé par mes beaux-parents. Cela m'apportait une once d'espoir, peut être ne souhaitaient ils pas ma mort, eux.
Au bout d'un certain temps, que j'avouerais ne pas savoir calculer, la foule se mît soudain à hurler, et je sursautais. En regardant autour de moi, éfarré, je me rendis compte que certains applaudissaient, d'autres me lançaient des regards tellement haineux que si je les avais soutenus, je pense que j'en serais mort.

Je compris alors que le procès était fini, et que j'allais sans doute être emmené.
Je regardais en direction de ma femme, et de sa famille, ils souriaient. Mes espoirs avaient été vains, ils étaient heureux que je me fasse enfermer. Alors, les épaules basses, j'attendais la sentence, qu'on me prenne par le bras, qu'on me passe les menottes et tout serait fini.

Mais personne ne vint, mon avocat, grand sourire aux lèvres, me donna une tape dans le dos.
Quel salaud ! Lui qui était sensé me défendre !

Alors j'entendis un voix familière dans mon oreille, cela me chuchotait :
_ "Tu es libre !

Libre de quoi ? De moisir en prison ? Merci bien !

C'était la voix de ma femme ! Je ne l'avais pas entendu depuis... Moi ne savais plus.

Je compris que j'étais libre, dehors, le monde m'attendait, mes souffrances avaient été comprises, mon histoire avait été entendue !

J'avançais au bras de ma femme vers une nouvelle vie qui ne promettait pas que du bonheur, ça, c'était certain.

Il me faudrait vivre encore quelques années de coup de fils anonymes, de courriers lâches et non signés, de menaces de mort, de discrimination.

Mais grâce à mes proches et à mes amis, et après de longues années, un nouvel enfant vint au monde, en pleine santé, et je retournais dans ce petit théâtre, non pour me cacher, mais pour jouer. Un jour du mois d'avril de l'année suivante, je rencontrais même une des actrices que j'avais espionné, et que je reconnus grâce à sa voix.

Peu à peu, la haine des gens s'estompa sans disparaître totalement, faire disparaître la haine, c'est bien plus long que de la faire naître.

Je reçus pendant un an ou deux plus de lettres, je pense qu'une pop star.
Au début, la plupart étaient des lettres d'insultes, plus, il y eu des lettres de soutient, pour enfin n'y avoir presque plus de lettres haineuses. Les gens se lassent, ils ont beaucoup de gens à haïr, et moi, j'étais pour eux devenu un ringard.

Vous vous demandez comment ma femme et ma famille ont pu me pardonner ?
Ce que je sais, c'est que dans notre couple, je n'ai jamais été le seul à vouloir abréger les souffrances de notre enfant.
Je suis le seul à être passé à l'acte.

J'ai lu dans un journal, il y a un petit moment déjà, qu'un jeune garçon avait porté plainte contre l'homme qui avait aidé sa mère à accoucher, il accusait ce médecin de l'avoir laissé vivre, alors qu'il était promis à un avenir de médications et de traitements lourds.
Une loi à été créée à la suite de cela.

Je ne regrette pas d'avoir fait ce que j'ai fait, je regrette d'avoir eu à le faire...
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Re: L'entrée des artistes, suite et (enfin) la fin
Posté par lollie le 20/01/2005 10:37:54
Moi je trouve que les parents devraient faire le maximum pour que la vie de leurs enfant soit la meilleure possible. Un enfant si malade ne serai pas heureux,donc il est du devoir des parents de faire un choix !! Mais je pense que l'enfant doit etre assez grand pour comprendre ce qui lui arive comme a ce garcon dont tt le monde parlé il y a un an. IL VOULAIT mourir !!! et c'était son droit. Bravo encore pour ce magnifique texte.Bisous
Re: L'entrée des artistes, suite et (enfin) la fin
Posté par wizbur le 19/01/2005 22:10:40
elo je trouve ton point de vue défendable en considerant l'ampleur du handicap et des souffrances mais je suis en ce moment meme sur un forum ou ils disent que l'avortement des triso c bien et la je suis pas du tout d'accord
Re: L'entrée des artistes, suite et (enfin) la fin
Posté par lollie le 18/01/2005 09:46:42
Difficiel a dire... en fait je pensais k'il allais aller e prison et qu'il allait aider a faire un theatre ds la prison.Les autre prisonnier pourraient jouer la commédie, il serait leur prof... a truc comem ca en tt cas !! Sinon qu'il était innocent. J'imaginais surtout pas sa femme comme ca !!!
Re: L'entrée des artistes, suite et (enfin) la fin
Posté par elodelu le 17/01/2005 23:19:34
wizbur, "pas évident d'accepter tout ce que tu racontes" alors la je dis, MERCI c'était exactement l'effet recherché!!

Bon d'accord un enfant n'est pas capable de décider s'il veut tenter de "vivre" avec des handicaps qui lui donneront l'immense chance de visiter toutes sortes de merveilleux institus spécialisés, sans compter la joie immense de tester pleins de nouveaux médicaments.
Maintenant, le pense que le role d'un parents est de faire en sorte que ses enfants soient heureux et bien dans leur peau, et bien dans le cas précis de ce récit, et dans les cas qui lui ressembles, je pense que la meilleure chose à faire est ce qu'à fait ce père... après, chacun a son point de vue, et cet espace est réservé à tous ces points de vue. D'ailleurs je viens de voir qu'un artciel vient de paraitre, sur l'euthanasie, c'est dire si je ne suis pas la seule que cela travaille...

lollie, qu'est ce que tu imaginais, comme fin? merci de ton commentaire.
Re: L'entrée des artistes, suite et (enfin) la fin
Posté par lollie le 17/01/2005 20:08:51
enfin la fin !!! totalement differente de ce que j'imaginais mais géniale !! le seul petit défaut : je trouve ke c'est rakonté un peu trop vite.
Snon absolument fabuleux,continue avec tes histoires !!!!! Bisous
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L'auteur : Elodie Alias elodelu
42 ans, Nantes (France).
Publié le 16 janvier 2005
Modifié le 12 janvier 2005
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