| La mémoire dans tous ses étatsLa mémoire est une perception difficile à cerner. Dans cet article, le sujet de la mémoire sera étudié aussi bien du point de vue scientifique, que du point de vue figuré.La mémoire n'est pas gravée dans la pierre, mais hautement sujette à reconstitution. La plupart de nos souvenirs ne sont rien d'autre qu'un mirage.
Nous sommes si cavaliers avec notre mémoire. Personne ne s'émerveille du flot d'informations que nos sens envoient vers notre cerveau à chaque seconde de veille, ni de la façon dont il les trie et les classe dans des banques de données auxquelles nous pouvons accéder en quelques nanosecondes.
On se répresente souvent l'esprit comme un ordinateur, et la mémoire comme son disque dur. Mais c'est une mauvaise analogie. Un disque dur ne fait que copier les données qu'on lui envoie. Le mécanisme de la mémoire trie les informations qui lui parviennent et les stocke séparément dans le cerveau.
Marcel Proust : " Les liens qui nous unissent aux autres n'existent que dans notre esprit. En s'estompant, nos souvenirs les défont. "
Qu'est-ce que la conscience, après tout ? Comment les deux kilos de fromage gris nichés à l'intérieur de notre crâne réussissent-ils à produire un esprit ? Le débat philosophique se politise, mais scientiquement nous touchons au coeur du problème. Et il semble s'agir d'un processus plus qu'un état.
"Je pense, donc je suis" : ce n'est pas tout à fait exact. "Je me souviens, donc je suis" se rapproche davantage de la vérité.
Plus je découvre la fragilité de la mémoire, moins je suis perturbée par les innombrables distorsions qu'elle produit, et plus je m'étonne que nous puissions nous souvenir très exactement de certaines choses.
Se rappeler n'équivaut pas simplement à ouvrir un tiroir mental pour en sortir un souvenir. C'est un acte de reconstitution, consistant à localiser et assembler les différentes composantes de ce souvenir.
John Conrad : "La vanité joue des tours pendables à notre mémoire. "
Les recherches de Cahill démontrent que la peur et d'autres émotions fortes stimulent le processus de mémorisation. Au cours d'une situation stressante, la poussée adrénalitique de l'épinéphrine et de la norépinéphrine active les amygdales, qui elles-mêmes stimulent le cortex et donnent à cette situation une place de choix dans la banque mémorielle.
L'horreur ultime, selon moi, serait de n'avoir ni souvenirs ni capacité d'en former. Nous serions privés de passé, de toute information susceptible de constituer un point de référence. Nous ne saurions ni qui nous sommes, ni qui nous avons été, ni pourquoi nous y avons été. Nous n'aurions aucune notion du temps, au coeur d'un environnement perpétuellement étranger.
Les souvenirs meurent. Si les connexions synaptiques entre le cerveau et l'un d'eux disparaissent, ce dernier est perdu à jamais. Les systèmes de convergence ne pourront le reconstruire, du moins pas sans aide extérieure.
Nos souvenirs sont fragiles. Si nous n'y accédons pas régulièrement, ils finissent par se décomposer. Nous ne possédons qu'un nombre fini de neurones, si bien que les souvenirs les plus anciens doivent peu à peu laisser place à de plus récents.
Le stockage mémoriel est hautement organisé. Par exemple, les noms sont entreposés dans le lobe temporal gauche, mais ils sont répartis en différents groupes. Une vingtaine ont déjà été identifiés : fruits, animaux, couleurs, nombres, parties du corps, plantes, etc... Les verbes sont stockés près du cortex moteur, ce qui semble très approprié puisqu'ils sont les termes de l'action.
John Kotre : "En tant que fabricant de mythes, le soi sème des fragments de son oeuvre un peu partout dans la mémoire. Au fil du temps, les bons deviennent encore meilleurs et les méchants plus méchants. La vitesse augmente, les poissons grossissent, et la Dépression n'en finit plus. "
Il ne faut pas non plus comparer la mémoire à une caméra vidéo, car elle ne saurait en aucun cas enregistrer un évènement de façon objective. Elle est une extension de notre perception, colorée par nos sentiments et nos émotions, voire par le taux de sucre que contient notre sang à un moment précis.
La conscience quantique. De nombreux théoriciens, dont Roger Penrose, ont tenté d'allier la mécanique quantique à la théorie de la conscience, et ont qualifié les microtubules des cellules cervicales de "racines de la conscience". En se déplaçant au travers des microtubules, les vibrations fourniraient le code de la conscience. Mais je n'y crois pas... Pas encore.
Tous les souvenirs ne sont pas conscients. Nous en possédons une kyrielle d'inconscients : nos habitudes.
Lorsque les gens mettent en doute la malléabilité de la mémoire, je leur raconte l'"expérience de la grange". On a montré à des volontaires un film où deux voitures se percutaient à un croisement. Une semaine plus tard, on leur a demandé à quelle vitesse, selon eux, la seconde voiture au moment où elle est passée devant la grange. Dix-sept pour cent des sujets se souvenaient de la grange en question, et pouvaient même donner des détails concernant sa couleur et sa forme. Mais il n'y avait aucun bâtiment sur le film.
Les choses que nous oublions sont bien plus nombreuses que celles dont nous nous souvenons.
Citation tirée de Macbeth : "Mémoire, gardienne de l'esprit... "
L'oubli de la source est l'origine de la plupart des faux souvenirs. La source d'un souvenir, son contexte dans l'espace et le temps, constitue son aspect le plus fragile, celui qui se détériore le premier. Dès lors, le souvenir en question part à la dérive, et le cerveau ne peut plus déterminer s'il est réel ou imaginaire.
Olivier Goldsmith : "O mémoire ! Douce illusionniste ! "
Pour qu'un souvenir reste frais et vivace, ou qu'un faux souvenir affirme son ancrage dans la mémoire, il faut que ses connexions synaptiques soient régulièrement utilisées, autrement dit, que son propriétaire se le remémore de temps en temps. Ce processus est l'équivalent neurologique d'une révision.
Les enfants âgés de moins de huit ans sont particulièrement réceptifs aux faux souvenirs, parce que leurs lobes frontaux, l'endroit où est stockée la source, sont encore immatures.
T. S. Eliot : "Des bruits de pas résonnent dans nos mémoires. Sur les chemins que nous n'avons pas empruntés. "
Pour comprendes à quel point il est facile d'implanter de faux souvenirs chez un sujet réceptif, songez que l'acte d'imaginer un objet fait appel à la même zone corticale que celui de voir réellement cet objet.
Quintilius : "Un menteur doit avoir une bonne mémoire. " | | |
| . Voir tous les commentaires et/ou en poster un (3) | | Re: La mémoire dans tous ses états Posté par gritch le 27/04/2006 18:47:48 | ouéééé bon article !!
---> mtaveau ( si tu suis encore la discussion ) : je n'en suis pas sure mais j'ai mon idée sur comment on peut voir où ce stock les infos dans le cerveau. Grace aux images à raisonnance magnetique (IRM - un procédé inventé par un francais qui a eu le prix nobel pour ca) on peut observer quel partie du cerveau à une activité magnetique lors de tel ou tel action ... mais cela dit je suis pas une reference scientifique alors je sais pas trop ... | | Re: La mémoire dans tous ses états Posté par mtaveau le 15/04/2006 22:22:59 | Il est très bien ton article. Je ne sais pas comment ils ont démontré que les noms et les verbes étaient stockés à des endroits différents (j'ai jamais lu ça), c'est étonnant. Parfois c'est bizarre sinon de citer des phrases d'auteurs sorties de leur contexte.
Je t'encourage à écrire d'autres articles... | | Re: La mémoire dans tous ses états Posté par gary le 26/03/2006 22:24:27 | Super cool ton article ... ces sujets la me passionent l'intelligence artificielle ... les enfants précoses ( bien que je m'y connaisse tres tres peu ... ) bon voila jvoulais te demander si tu as des bouquins sur le sujet a me conseiller ....histoire d'en savoir plus ... allez merci j'attends une reponse ;) | | . Voir tous les commentaires et/ou en poster un (3) |
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