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Magic Werdum, la métamorphose d'une terreur poids lourds

Le 19 avril dernier, lors de l'UFC On Fox 11, le Brésilien Fabricio Werdum a démontré toute la diversité de son art du combat face à Travis Browne. Le voilà officiellement challenger au titre mondial de la plus prestigieuse organisation d'Arts Martiaux Mixtes.


Sourire permanent aux lèvres, Fabricio avance inlassablement, invariablement, irrésistiblement. Et surtout il domine de la tête et des épaules son opposant. Si l'on excepte un passage au travers face à Antonio Silva en octobre 2012, Travis Browne reste pourtant sur quatre années convaincantes dans l'Octogone, ponctuées de finish spectaculaires : Superman Punch face à Stefan Struve, Front Kick contre Alistair Overeem, enchainement de coups de coude devant Josh Barnett. Ce soir encore, il a failli créer la sensation lors d'un 1er round où ses poings ont pilonné Werdum en mode marteau-piqueur. Ce dernier manque de se retrouver coincé dans une position fœtale, bien souvent synonyme d'arrêt de l'arbitre, mais il se ressaisit avec calme et détermination, décide de répliquer sur le terrain du stand up. Aussi le Brésilien obtient-il le bénéfice des cinq reprises en totalisant un nombre d'attaques de percussions inédit dans sa carrière, 251 frappes dont 171 arrivants à destination. Il n'oublie pas ses fondamentaux pour autant, comme le prouvent ses tentatives d'en finir via une clé Kimura ou Guillotine Choke. À bientôt 32 ans, l'heure de la reconnaissance n'a jamais été si proche. La date du 15 novembre clignote déjà dans le calendrier, il s'agira de sa première opportunité de décrocher un titre majeur en MMA.


Roi sans couronne ? Pas tout à fait...
Si cette occurrence se présente de manière si tardive, cela est notamment dû à la propension du guerrier brésilien à livrer bataille dans des grandes compétitions de grappling. Longtemps les Arts Martiaux Mixtes ont été considérés secondaires par rapport à ses prestations aux championnats de l'Abu Dhabi Combat Club, la compétition qui fait figure d'autorité au niveau d'affrontements composés uniquement de saisies. Vai Cavalo était déjà auréolé de deux titres mondiaux en Submission Wrestling (2007 et 2009) lorsque l'abandon de Fedor constitua sa deuxième naissance aux yeux des amateurs de fight en mitaines. Ne parlons même pas de sa collection de médailles (une grosse douzaine, dont la majorité en or) lors de championnats mondiaux de jiu-jitsu entre 2000 et 2004. Hors son exploit contre Fedor, consacré par toutes les distinctions possibles et imaginables des médias spécialisés, ses performances en MMA restent très sous-cotées à l'heure de défier le numéro un mondial. À titre d'exemple le Brésilien a remporté le bonus "Fight of the Night" à une seule occasion, pour sa joute devant Roy Nelson à l'UFC 143. À défaut des décorations, sa carrière est marquée par une constance victorieuse, notamment dans les grandes organisations où son bilan est éminemment positif : 2-0 au Jungle Fight, 4-2 au Pride FC, 3-1 au StrikeForce et 6-2 à l'UFC.


Fini le Werdum à moitié vide

Contrairement à ce que laisse entendre la communication de l'UFC, le jiu-jitsuka d'exception n'a pas attendu le début de cette décennie pour accrocher des têtes d'affiche à son palmarès. Avant de stupéfier le monde avec son Triangle Armbar sur The Last Emperor au StrikeForce, il avait déjà épinglé des figures respectées comme Gabriel Gonzaga (deux fois), Antonio Silva, Mike Kyle, Alistair Overeem... Ou Alexander Emelianenko, le frère de qui vous savez. En revanche sa prise de confiance (conscience ?) en son striking est plus récente et confine à la conversion. Le déclic remonte en 2011, au premier tour du tournoi poids lourds organisé par la compagnie californienne. Werdum trouve sur sa route Overeem, cinq ans après une victoire par Kimura sur le géant hollandais. Sans doute persuadé d'atteindre la même conclusion, Vai Cavalo s'obstine à tirer la garde de son adversaire, demeure longuement dos au sol en lançant de continuelles invitations à ce qu'on l'y rejoigne. Un comportement qui agace fortement le public et les officiels. D'autant plus regrettable que lors des rares échanges de boxe le Brésilien tient la dragée haute au champion de K-1.


Bien qu'elle ne témoigne d'aucune véritable domination, la volonté d'avancer d'Overeem est saluée par une décision unanime et l'attitude irritante du grappler taxée d'anti sportivité.
La frustration issue de ce match caricatural sera le meilleur gage d'un futur changement stratégique. Avant lui, Antonio Rodrigo Nogueira avait payé les limites d'un game plan se bornant en sa foi à soumettre n'importe qui. Désormais Werdum va faire fructifier les autres cordes à son arc. À l'instar de son cycle d'ascension en muay thaï qu'il conclut la même année.
En février 2012 Roy Nelson accueille l'enfant prodigue dans l'Octogone. Le populaire vainqueur du TUF Heavyweights, réputé notamment pour sa capacité à encaisser une volée de bois vert sans broncher, ne s'attendait sans doute au scénario que va offrir le combat. Werdum déboule avec des intentions bestiales, ne cherche pas l'amenée au sol et domine son concurrent dans toutes les phases du pieds/poings. En l'espace de trois rounds il lance 145 coups dont 91 comptabilisés comme importants. Son efficacité se ressent notamment dans les frappes aux corps et l'utilisation des jambes. Plus étonnant encore, il conserve aussi le contrôle en phase de clinch, malgré la différence de gabarit avec Big Country. Lors de ses interviews promotionnelles post-match, Vai Cavalo en convient : il vient de modifier à tout jamais son image de grappler défensif. Quatre mois plus tard l'UFC lui offre Mike Russow en guise de chair à canon pour confirmer la tendance. Le verdict est solennel : TKO en à peine plus de deux minutes. Dans la foulée, Fabricio saisit l'occasion de venger une de ses vieilles défaites du Pride, en se plaçant sur la route d'Antonio Rodrigo Nogueira lors du TUF Brazil 2. Interposés de manière indirecte en tant que coachs sur la saison, les deux modèles de jiu-jitsu croisent ensuite le fer lors d'une édition d'UFC On Fuel TV. Iconoclastes au possible, ils livrent dans un premier temps un duel en stand up. Malgré sa progression en la matière, Werdum peine à contrecarrer Minotauro. Ce dernier va pêcher une nouvelle fois par orgueil, convaincu de devoir clore les hostilités par soumission. À ce petit jeu il trouve à qui parler.

Avec cette série de trois succès de rang, et compte tenu des récents échecs d'autres transfuges du StrikeForce (Overeem, Bigfoot Silva, Josh Barnett), la place de challenger au titre poids lourds tend les bras au double vainqueur ADCC. Restait à écarter Travis Browne via un savoureux mélange de son art du sol et de ses récents acquis pugilistiques. Reçu cinq sur cinq. Mais le plus gros coup de tonnerre est peut-être à venir...
L'auteur : Emilien Bartoli
41 ans, Toulouse (France).
Publié le 12 mai 2014
Modifié le 12 mai 2014
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