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Printemps 1997 : "Quand le Zaïre cède au Congo-Kinshasa"

Un travail de mémoire où je reprends mes premiers souvenirs de l'écroulement du Zaire et de l'avènement du Congo-Kinshasa. Vous serez surpris de découvrir les vérités que mon enfance a retenu des faits malheureux qui ont eu lieu au Congo ces années-là.


Je n'ai pas connu le maréchal Mobutu, à mes yeux c'est une personnalité étrange. L'histoire me l'a appris comme tant d'autres grands noms : Eisenhower, Staline, Mussolini et autres. Les quelques souvenirs que je garde de l'ère Mobutu, sont vraiment de très courtes mémoires. Je me souviens par exemple de la Zaïroise, ce célèbre hymne national que nous chantions à l'école primaire. Je garde encore quelques traces d'images sur la Conférence Nationale Souveraine (CNS). La CNS par contre est une exception, car mon père était participant aux assises. Je me souviens qu'il revenait à la maison avec des photos prise avec des personnalités. Dans l'une de ses photos prise à la CNS, quelqu'un se tenait à sa droite, l'homme avait les cheveux touffus, un pantalon éléphant. Ces images sont enfouies dans notre armoire, l'homme au côté de mon père était Etienne Tshisekedi, le leader populaire d'opposition. Papa et son ami, le feu professeur Mangala avaient à l'époque un parti politique mesquin, un cercle qui ne comprenait que quelques membres. Le nom de ce parti m'échappe, j'espère que vous comprendrais, je n'avais que quatre ans pour tout retenir.

1994 m'est inoubliable car des éléments armées nous ont une fois rendu visite. Nous étions soumis à plus de deux heures de tortures dans la chambre des parents, les assaillants menaçaient de tué les parents. Durant cette époque, notre frère Merveil venait à peine de voir le jour. Papa s'était à la journée rendu au grand marché pour lui chercher quelques vêtements. A son retour du marché, ça lui faisait toute une valise. Une valise que nos cambrioleurs pensaient malheureusement être une manne d'argent. Ils ont continué avec leurs menaces, brandissant leurs revolvers ici et là, promettant à papa la mort s'il ne leur rendait pas cette manne. Papa avait l'air impuissant, cherchant de tous les mots à convaincre ceux-ci qu'il ne s'agissait pas d'une manne d'argent, mais plutôt d'une valise pleine des vêtements pour le nouveau-né.

Toutes les fois que papa prenais une défense, les assaillants s'énerver davantage. Mes deux sœurs (Mathy et Jenny) et moi, étions là, contemplant les faits comme dans une salle de cinéma. Papa avait les deux mains ligotées, maman de même, et tous deux mis à genou. La tension montait davantage, et les assaillants nous donnerons l'odre, mes sœurs et moi, d'entrer sous le lit. Quelqu'un disait : "Allez-y sous le lit, cela vous empêchera de voir comment nous tuerons vos parents". Nous avions les larmes plein les yeux, mais nous étions forcés de maintenir le silence. Je me souviens de ma mère qui disait : "Jésus, qu'avons-nous fais ? Sauve-nous !". Et sur ce coup, le chef des assaillants répliqua : "Jésus... Jésus, penses-tu que nous autres ne prions pas ?".
La tension dura plus de trois heures, ils ont fouillé la maison entière jusqu'à retrouver la fameuse manne qui ne contenait que des vêtements froissé. C'est en cet instant qu'ils comprirent qu'il n'y avait rien à gagner chez nous, papa n'était qu'un fonctionnaire de l'Etat. Mais à notre surprise, nos amis s'étaient bien amusés quand même. Ils avaient nettoyé toute la maison, le salon ne représentait plus qu'un terrain de basket. Mon père qui était un ancien commando dans les forces Zaïroises, avait bien raison de nous imposer le silence durant l'opération. Les revolvers que tenaient ces assaillants étaient des vrais, suréquipés. Je n'avais que quatre ans, je pensais qu'ils avaient entre leurs mains des pistolets à eau.

Comme j'ai dit au départ, je ne garde qu'en mémoire quelques courts souvenirs de ce vieux temps endormi. Je n'ai pas connu Mobutu, c'est une personnalité étrange pour moi. Je lui ai découvert un peu plus en profondeur à huit ans d'âge, dans un livre que papa avait l'habitude de lire, qui s'intitulait : "Adieu Mobutu, 'Génie'de Gbadolite", du feu Edie Angulu.

Au 4 Mai 1996, j'avais six ans, lorsqu'un navire sud-africain ancré à Pointe-Noire, au Congo-Brazzaville accueille une rencontre entre Mobutu et Kabila, qui réclame le pouvoir. Durant cette année, Mobutu était fragile et son vieux navire d'il y'a trente-cinq ans chavirait déjà. Je garde quelques souvenirs de cet instant, car mon père écoute continuellement la radio pour avoir l'état d'avancement des choses.

Le 17 Mai 1997 était un jour normal comme tous les autres. Depuis dix heures du matin, je joue avec mes amis Marco et Gaston dans la parcelle, nous jouons au Bouscule. Un match de football sur table avec des bouchons et un micro ballon rond.

La tension change quand observant sur la route du 24 Novembre, une longue nationale qui traverse plus de quatre communes à Kinshasa. Nous apercevions une sorte des camions qui à nos yeux paressaient transporté des sacs de manioc. Notre maison située à l'UPN, la zone montagneuse, offre une très belle vue de la route du 24 Novembre baptisée après Avenue de la libération. Soudain, il nous arrive d'observer quelque chose de très inhabituel. Des gens, par dizaines de milliers quittaient leurs maisons tout en courant, se dirigeant tous vers la nationale.

Je suis vite allé rapporter à maman qui pilait le Pondu (Les feuilles de manioc), je lui ai correctement décrit ce que j'avais vu, parlant des véhicules transportant des sacs de manioc et de tous ces gens qui couraient vers la nationale pour les apercevoir. Maman était très curieuse d'entendre ça, elle est vite sortie pour voir ce qui se passait.

Quoi de plus étrange, elle s'est mise à pleurer. Mes camarades et moi ne comprenions rien. Elle nous a soudain demandé de nous enfermer dans la maison, disant que les choses n'allaient pas bien. Elle se faisait du souci pour sa sœur Huguette qui vivait dans l'internat des étudiants de l'Université de Kinshasa (UNIKIN). C'est en ce moment que j'ai commencé à comprendre qu'il y'avait des évènements inhabituel qui prenaient place dans la capitale.
Quelque temps après, nous sommes tous allé voir ce qui se passait. Nous avions avec maman rejoins toute cette masse des gens qui se déplaçait vers la nationale. Une fois sur la nationale, il y'avais des tas des mondes sur place. Les gens avaient pourtant l'air heureux. Ils applaudissaient, criaient, et dansaient. D'une vue de près, ce que nous pensions être des camions transportant des sacs du manioc étaient plutôt des chars de combat qui marchaient sur la capitale Kinshasa, marquant ainsi la fin du règne de Mobutu. Des gros camions armés suivaient par après, avec des jeunes soldats sur leurs abords qu'on appelait les Kadogos (Enfants soldats).

C'est ainsi que j'ai appris le triomphe de Laurent Désiré Kabila, sur la nationale, quand l'AFDL marchait sur Kinshasa. Je n'avais que sept ans, de très courte taille, j'étais coincé entre les jambes des individus. De temps à autre, ma mère me prend sur ses épaules pour bien voir la scène.
A vraie dire, à sept ans d'âge, je ne garde pas aussi une grande mémoire de Laurent Désiré Kabila. Cela aussi parce que notre télévision Elekta était tombée en panne durant un long moment. Tonton David, le réparateur, qui était aussi un soldat, ne pouvait réparer cette télévision. Mes parents étaient en crise financière, on ne pouvait pas s'offrir une nouvelle télévision. Nous suivions la radio pour avoir des nouvelles.

Une chose que je garde bien en mémoire, c'est l'abondance des denrées alimentaires sur le marché. J'avais huit ans, on parlait du Service National, une sorte d'agriculture appuyé par l'Etat pour assurer l'autosuffisance alimentaire dans le pays. Cette formule marchait bien, la farine de maïs était abondante sur le marché à très bas prix.

Mes souvenirs de l'ère Laurent Désiré Kabila, ce sont aussi toutes ces belles mélodies composées par le grand maître Souzi Kaseya, afin de rallumer la flamme du patriotisme dans le pays. Les chansons telles que "Tokufa Pona Congo" et "Franc Congolais" avant tout propulsées pour resserrer les liens entre le peuple et son leader. En 1999, j'avais neuf ans. Je me souviens du succès qu'avaient remporté ces chansons. Particulièrement, ces chansons réunissaient tous les artistes musicien Congolais, des grands noms comme Pépé Kale, Defao, Lutumba Simaro, Tshala Muna, (...). Des grands ténors de la musique que les Congolais n'avaient pas l'habitude de voir joué ensemble. L'union des artistes étaient un autre message que Laurent Désiré Kabila lançait à la population pour dire qu'il était temps d'abandonner nos différents.

Je garde une vision nette des clashes qui ont eu lieu début 1988 entre le Congo et les troupes étrangères. Suite à un échec d'entendement entre les alliés d'autres fois, les inimitiés étaient nées, et une nouvelle coalition conduite par le Rwanda cherchait à faire basculer le régime de Kabila. Les Congolais étaient très révoltés sur la chose. Les petites campagnes de Kabila sur le nationalisme leur avaient bien inspirés, ils étaient prêts à tout donner. Je garde par exemple des flashes d'images sur le lynchage des troupes étrangères sur les rues de la capitale, la traque des rebelles Rwandais et tant d'autres. Je me souviens des Congolais qui brulent des pneus dans toutes les artères du pays, des jeunes-gens qui observent le couvre-feu, des jeunes-gens qui patrouillent toutes les nuits. Je me souviens des pillages opérés sur les magasins des Libanais à Kinshasa, (...). Cette époque est la plus sombre des pages dans mon cahier des souvenirs.

18 Janvier 2001 était un jour ensoleillé personne ne pouvait s'en passer. Le soleil était à son crible, je jouais au football sur l'avenue avec des camarades. Nous ignorons ce qui se passait ce jour-là, mais tout ce que nous pouvions remarqué c'était ce soleil au zenith. Aux environs de midi, un cercle blanc entourait le soleil, cela balançait un certain ombrage sur le sol. Tout le monde contemplait ce cercle qui persistait depuis un bout de temps. Bien des passants n'avaient aucune explication de ce que pouvait signifier ce signe dans le ciel. Ce que nous ne savions pas, ce qu'un évènement qui changera le court de l'histoire prenait place au palais des marbres où le président Kabila avait son bureau.

Parmi ces gens qui passent, qui contemplent le cercle et qui discutent, un homme attire mon attention. C'est un vieil homme, qui dit : "Dans ma tradition, lorsqu'un cercle entoure le soleil, cela signifie qu'un acte de très malheureux prend place dans le pays". Cet homme était plus que correcte, j'ai toujours regretté de n'avoir pas pris contact avec, car une telle sagesse et interprétation des signes méritait bien d'être entendue de temps à autre. Cela n'avait pas attendu, la nouvelle était tombée, et Kinshasa s'était recouvert des pleurs. Mzée Laurent Désiré Kabila venait d'être assassiner dans son bureau, après plus de deux ans de résistance.

Une semaine avant l'assassinat, je revenais du marché, lorsque je croise sur mon chemin retour une femme habillé en blanc de la tête jusqu'au pied qui criait sur les avenues. Les gens ne prêtaient pas attention à ce qu'elle disait. J'étais parmi les curieux qui s'avancaient pour écouter ce qu'elle avait à dire. J'avais onze ans à l'époque. Quand je me suis approché de la dame, il n'y avait rien de nouveau, elle disait que quelqu'un de très grand aller être assassiné dans le pays. Elle parlait avec une telle précision, mais nous étions malheureusement fatiguer d'entendre tous ces prophètes de malheurs qui prédisaient la mort du président à travers le pays. Laurent Désiré Kabila était tellement ancré à nos cœurs que nous ne voyions pas cet assassinat arriver.

Les goûtes des larmes se multiplièrent quand le grand Souzi Kaseya sorti le morceau'Kabila héros National''. Une page dans l'histoire du grand Congo s'était refermée, Laurent Désiré Kabila était parti. Il sera plus tard déclaré héros national.

Les souvenirs que je porte de Laurent Désiré Kabila sont les plus vivants de mes souvenirs d'enfance.
L'auteur : Richie Lontulungu
34 ans, Kinshasa (Congo).
Publié le 29 mai 2014
Modifié le 26 mai 2014
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