| Review UFC 167 Compte-rendu d'un des shows majeurs d'arts martiaux mixtes de cette fin d'année 2013.Il ne s'en sera fallu d'un rien, un round un peu plus capricieux que les autres, et voilà que l'inoxydable Champion de la catégorie des welters parvenait à conserver son titre pour la 9e fois de rang. Les apparences sont parfois trompeuses, mais en l'occurrence le visage de Georges St-Pierre, lacéré de toutes parts, reflétait les souffrances endurées durant vingt cinq minutes où le couperet est passé très prés. Retour sur un évènement où le quasi déboulonnement de la statue GSP ne fut pas la seule surprise.
Résultats UFC 167
Carte principale
Championnat -77 kg : Georges St Pierre bat Johny Hendricks par split décision (48-47 pour deux des trois juges)
-93 kg : Rashad Evans bat Chael Sonnen par TKO (1er round 4 : 05)
-77 kg : Robbie Lawler bat Rory MacDonald par split décision (29-28 pour deux des trois juges)
-77 kg : Tyron Woodley bat Josh Koscheck par KO (1er round 4 : 38)
-56 kg : Ali Bagautinov bat Tim Elliott par décision unanime (29-28,29-28,30-27)
Carte préliminaire
-70 kg : Donald Cerrone bat Evan Dunham par soumission, Triangle Choke (2e round 3 : 49)
-84 kg : Thales Leites bat Ed Herman par décision unanime (30-27,30-27,30-27)
-77 kg : Rick Story bat Brian Ebersole par décision unanime (30-27,30-27,30-27)
-61 kg : Erik Perez bat Edwin Figueroa par décision unanime (30-27,30-27,30-27)
-77 kg : Jason High bat Anthony Lapsley par décision unanime (29-28,29-28,29-28)
-61 kg : Sergio Pettis bat Will Campuzano par décision unanime (30-27,30-27,29-28)
-93 kg : Gian Villante bat Cody Donovan par TKO (2e round 1 : 22)
En général, lorsque Joe Rogan se pointe avec son micro à la fin des rencontres il n'y a pas grand-chose à en attendre : des questions brèves et convenues sur le déroulement du combat, des congratulations appuyées pour la performance du fighter interrogé, quelques acclamations et puis s'en vont. Mais cette fois le commentateur historique de l'UFC est débordé par l'initiative de son interlocuteur, alors qu'il y allait d'une formule pour conclure l'échange Georges St-Pierre agrippe le micro, un air grave sur le visage bien discernable malgré les divers marques de coups. Le toujours Champion de la catégorie des welters semble encore plus fébrile qu'au moment de l'annonce des juges, il cherche ses mots, parait désemparé : "Oui, que vouliez-vous nous dire ?" le relance Rogan, à la fois très surpris et ne pouvant ignorer les rumeurs circulant depuis une dizaine de jours sur Internet. Le Canadien ne lâche pas précisément les mots craints, mais évoque des raisons personnelles l'obligeant à entreprendre une pause. Devant ce discours torturé et tortueux, l'Américain relance : "Vous nous annoncez votre retraite, c'est ce que vous dites ?". Le Champion ne peut en préciser plus, il doit s'arrêter quelques temps. Partir ? Maintenant ? Après une défense de titre aussi controversée ? Lui, l'homme qui a jusqu'ici dominé de la tête et des épaules tous les cadors de sa catégorie, lui le gendre idéal du monde du fight, si précieux pour casser les images périmées de combattants bourrins et arriérés.
Un seul espoir demeure pour les millions de fans rêvant d'une revanche immédiate entre GSP et Johny Hendricks, que ces propos ne soient que l'expression d'une lassitude prononcée à chaud, que tel Apollo Creed dans Rocky II il se fera un point d'honneur d'accorder une revanche à son adversaire, et d'abord à lui-même.
Deux autres grosses stars de l'organisation seraient avisées de se poser des questions à l'issue de leur prestation du soir : Josh Koscheck (23e combat à l'UFC) foudroyé par la puissance et la vitesse de Tyron Woodley, et surtout Chael Sonnen (14e participation octogonale), inexistant face à Rashad Evans. Mais l'un comme l'autre ont des statuts trop élevés et bancables pour être poussés hors de l'organisation. Sans doute peuvent-ils encore générer des "dream matches" ou permettre à de jeunes pousses de se construire un nom.
A noté sur la carte préliminaire la belle prestation du toujours emballant Donald Cerrone, vainqueur d'un Evan Dunham dont les espoirs d'accès au top 10 s'amenuisent un peu plus. Saluons les débuts réussis de Sergio Pettis, frère de l'actuel Champion Lightweight, ainsi que la confirmation du retour en forme de Thales Leites, l'ancien challenger contesté d'Anderson Silva en 2009. Le vétéran de la Nova Uniao reste sur huit victoires lors de ses neuf dernières rencontres dont deux à l'intérieur de l'Octogone. Un retour de flammes inattendu.
Tim Elliott vous Ali Bagautinov
Mais mettons avant tout à l'honneur ces stars montantes. Dans une catégorie poids mouches en plein essor (elle dépasse désormais la vingtaine de combattants), Ali Bagautinov a surclassé l'américain Tim Elliott grâce à une boxe soignée et parcimonieuse, pendant que son adversaire s'épuisait en mouvements superflus et assauts improductifs. Seule alerte, un étranglement en guillotine prolongé en début de 2e round. À mettre aussi à l'actif du Russe un apprentissage en vitesse accéléré des conventions de l'Octogone, en témoigne sa propension à chercher des amenées au sol et des enchaînements percutants dans les trente dernières secondes du round. Toujours de bon augure pour influencer des juges indécis. Il fut bien aidé aussi par un Elliott aussi vif que peu efficace.
Mais ne nous y trompons pas : entre l'avènement de Champions russes au Bellator FC et les arrivées fracassantes de leurs compatriotes à l'UFC (Khabib Nurmagomedov, Adlan Amagov, Omari Akhmedov, Rustam Khabilov, tous invaincus en onze matchs cumulés dans l'Octogone) c'est bien à une tendance que nous assistons. Pour sa part Bagautinov signe son deuxième succès dans l'organisation américaine et son dixième de rang pour une fiche globale de 12-2.
Josh Kocheck vous Tyron Woodley
À la question Tyron Woodley sera-t-il réduit, comme bon nombre de transfuges du défunt StrikeForce à quantité négligeable, le disciple de l'American Top Team a répondu de manière cinglante. À dire vrai nous finissions par ne plus attendre grand-chose du Chosen One, espoir de l'année 2009 selon l'UltMMA, site spécialisé dans le circuit local, élu étoile montante l'année suivante au sein du StrikeForce, l'enfant du Missouri a mis du temps à confirmer. Pis, il a progressivement troqué son statut de combattant spectaculaire à la recherche absolue de la finition pour tendre vers celui de lutteur poussif, grappillant des points pour obtenir des succès étriqués à la décision. Suite à son échec pour le gain de la ceinture welterweight de l'ancienne compagnie numéro deux du MMA, T-Wood s'est rappelé aux bonnes manières. Pour son arrivée à l'UFC il assène un KO en trente six secondes à l'expérimenté Jay Hieron. Dans la foulée il succombe au somnifère Jake Shields (et à une split décision) et a donc besoin de repartir de l'avant au moment de croiser le fer avec Josh Koscheck, cador du circuit en pente descendante.
Il est bien difficile de reconnaitre l'audace de l'ancien gamin turbulent du premier Ultimate Fighter en 2005. Totalement dépassé par la fureur et les combinaisons de Woodley, l'ancien challenger héroïque de GSP enchaîne sa troisième défaite de rang. Les perspectives quant à se maintenir dans une catégorie où il a déjà confronté tous les noms importants du passé et du présent (GSP deux fois, Matt Hughes, Johny Hendricks, Mike Pierce, Thiago Alves, Chris Lytle, Frank Trigg) paraissent peu reluisantes, alors descente en Middle ou retraite ?
Rory MacDonald vous Robbie Lawler
Un autre vétéran s'interroge dans un tout autre sens, il s'agit de Robbie Lawler. Comment qualifier la renaissance de Ruthless autrement que prodigieuse ? Lui, le castagneur utile car spectaculaire, toujours cantonné au statut de bon top 10 incapable de viser un titre majeur (néanmoins Champion à l'Elite XC en 2007-2008 et challenger au StrikeForce) vient de briser une destinée qui semblait toute tracée, celle de Rory MacDonald, coéquipier d'entraînement et successeur désigné de GSP. Le Canadien, âgé de 24 ans, appartient à cette nouvelle classe de combattants modernes, à l'instar d'un Alexander Gustafsson par exemple, à avoir appris simultanément les différentes composantes du MMA. Pas de domaine de prédilection mais tous les atouts entre ses mains : une belle boxe, un excellent jiu-jitsu, une lutte en constante amélioration. Or une dimension importante a manqué au jeu de Rory au MGM : la créativité !
Quand bien même il s'est retrouvé à plusieurs reprises dans des positions dites dominantes il n'a rien entrepris pour les exploiter. Il suffit d'observer les deux dernières minutes du 2e round, presque embarrassantes, lorsque couché sur Lawler il jette des regards répétés à l'arbitre et se déplace juste ce qu'il faut pour que l'action ne reparte pas en stand up. En face, Lawler n'a pas frisé le génie non plus, mais il a eu le mérite de refuser le rôle de marchepied que le match-up lui promettait. Impressionnant dans ses défenses de takedowns durant le 3e round, le vétéran atteignait ensuite la cible à de nombreuses reprises avec son arme principale et quasi unique, ses poings. Poussé par les ovations de la foule, il manqua même l'obtention du KO de peu. Au final une décision tout à fait logique, bien que non unanime, au bénéfice du rugueux Américain.
Rashad Evans vous Chael Sonnen
Le co-main event fut une vaste plaisanterie. On peut apprécier Chael Sonnen. On peut apprécier Rashad Evans. Mais on ne peut rien attendre d'une opposition entre les deux, tout simplement parce que leurs styles se marient très mal et leur niveau sont radicalement espacés. Au-delà du côté rentable de l'alignement de deux gros noms sur la même carte, le duel n'avait aucun intérêt. C'est la même logique qui avait présidé au main event du dernier Ultimate Fight Night entre Vitor Belfort et Dan Henderson, un grand match pour l'histoire mais incohérent sportivement. Surtout dans le cas où des deux compétiteurs n'a pas vocation à demeurer dans la catégorie concernée.
Ainsi la parenthèse bouche-trou de Sonnen en Light Heavyweight aurait dû en rester à sa correction face à Jon Jones. Au lieu de quoi, il a de nouveau "dépanné" l'été dernier pour pallier au forfait de Rogerio Nogueira face à Shogun Rua. Et à présent il accepte de servir de chair à canon pour Rashad Evans, un de ses plus illustres amis dans le milieu. Oh bien sûr le combat n'était pas truqué loin de là, mais à partir du moment où les deux optent pour se focaliser sur la lutte, l'issue ne faisait aucun doute. Après avoir imposé sa puissance au sol et passé la garde, Sugar arrosait allègrement sa victime toute désignée. Sonnen est reparti avec le sourire, le rôle de coach d'une prochaine saison du TUF lui est d'ores et déjà promis, opposition avec Wanderlei Silva en prime.
Georges St Pierre vous Johny Hendricks
Venons-en donc aux raisons de la colère de l'ensemble de la communauté du MMA au lendemain de cet UFC 167. Des spécialistes avisés de sites comme Sherdog et MMA Junkie au forumeur moyen en passant par les commentateurs de l'UFC eux-mêmes, tous s'accordent à reconnaitre Johny Hendricks comme le véritable vainqueur du match de championnat des welters. Contrairement à la boxe, une telle dissonance est rare en Arts Martiaux Mixtes. Sans doute faut-il remonter à la première manche de Machida/Shogun en octobre 2009 (UFC 104) ... Et encore The Dragon pouvait trouver des partisans pour défendre sa cause.
Cette fois c'est l'aberration du système de notation au round, dit 10/9, qui est pointé du doigt. Alors qu'Hendricks a eu nettement l'emprise des rounds 2 et 4, il obtient une notation équivalente à celle de St Pierre pour un maigre avantage sur les rounds 3 et 5. Reste cette 1ère reprise plus mitigée en apparence. Car elle a en fait définit ce que serait le scénario du combat : un St Pierre certes entreprenant mais annihilé par la puissance de son adversaire, contenu, contré, puni. Un scénario qui s'est reproduit, tels ces takedowns dont Big Rigg se relevait aisément, ces coups qui n'l'ébranlaient guère, hormis une brève séquence au cœur du dernier round sur laquelle GSP n'a pas su capitaliser. A contrario le challenger a assorti toutes ses attaques de dommages importants, s'est montré même actif et puncheur dans des phases où le corps à corps contrariait ses combinaisons.
C'est avant tout un déficit de puissance que nous constatons côté GSP, différence si nette qu'Hendricks a paru un poids moyen. Ce qui était impensable est arrivé, le Champion canadien débordé sur l'ensemble des cinq rounds. Espérons que Dana White saura le convaincre d'accepter un rematch, comme il a su l'entreprendre avec Anderson Silva, qui retrouvera Chris Weidman pour le titre Middleweight fin décembre. Point d'orgue d'une année où les Champions de l'organisation ont été bousculés comme rarement, quand ce n'est pas détrônés.
Coming up next, la reconquête pour Anderson Silva le 28 décembre à l'UFC 168 ? | | |
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