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Review UFC 195, et pourtant Lawler ne l'a pas volé

Pour son premier show de l'année 2016, l'UFC nous a offert un énorme championnat mondial entre Robbie Lawler et Carlos Condit. Hélas, c'est la décision controversée des juges est mise sur le devant de la scène. Entre le GSP/Hendricks fin 2013 et les Hendricks/Lawler de 2014, la polémique devient routinière chez les poids welters.


Résultats Complets de l'UFC 195 (2 janvier 2016)
Las Vegas, Nevada (MGM Grand Garden)

Carte principale
*Robbie Lawler bat Carlos Condit par décision partagée (47-48,48-47,48-47) et conserve le titre des poids welters.
*Stipe Miocic bat Andrei Arlovski par TKO (1er round 0 : 54) dans la catégorie des lourds.
*Albert Tumenov bat Lorenz Larkin par décision partagée (29-28,28-29,29-28) dans la catégorie des welters.
*Brian Ortega bat Diego Brandao par soumission (Triangle Choke, 3e round 1 : 37) dans la catégorie des plumes.
*Abel Trujillo bat Tony Sims par soumission (Guillotine Choke, 1er round 3 : 18) dans la catégorie des légers.

Carte préliminaire
*Michael McDonald bat Masanori Kanehara par soumission (Rear-Naked Choke, 2e round 2 : 09) dans la catégorie des coqs.
*Alex Morono bat Kyle Noke par décision partagée (29-28,27-30,29-28) dans la catégorie des moyens.
*Justine Kish bat Nina Ansaroff par décision unanime (29-28,30-27,30-27) dans la catégorie féminine poids pailles.
*Drew Dober bat Scott Holtzman par décision unanime (29-28,29-28,29-28) dans la catégorie des légers.

*Dustin Poirier bat Joseph Duffy par décision unanime (30-26,30-27,30-27) dans la catégorie des légers.
*Michinori Tanaka bat Joe Soto par décision partagée (29-28,28-29,29-28) dans la catégorie des coqs.
*Sheldon Westcott bat Edgar Garcia par TKO (1er round 3 : 12) dans la catégorie des welters.

" Ce soir il y a deux vainqueurs, on doit remettre ça  !  ". Contrairement à ce qu'on pourrait croire, la déclaration ne vient pas du combattant défait de justesse, mais de celui à qui la décision a été favorable. Lors de sa précédente défense de titre, Robbie Lawler avait fait taire maux de têtes et polémiques en mettant KO Rory MacDonald à la 5e reprise. Face à Carlos Condit, le Californien a produit la même accélération au dernier round... En vain. Et alors que beaucoup d'observateurs voyaient The Natural Born Killer devant au pointage, Ruthless était déclaré gagnant par deux des trois juges. Injustice  ? Plutôt la faute à ce 10-9 system, la fameuse notation au round... Nous y reviendrons.


Larkin floué, brandao piégé

Un final à l'image du gala puisque trois autres duels furent départagés dans un mouchoir de poche. Notamment en welterweight où le Russe Albert Tumenov obtenait le dessus sans convaincre (sa 5e victoire consécutive à l'UFC) face à l'ancien grand espoir du StrikeForce Lorenz Larkin, tombeur d'un certain Robbie Lawler un soir d'été 2012. Le travail de sape de l'Américain en leg/low kicks n'était pas récompensé à sa juste mesure, peut-être bien la seule décision scandaleuse de la soirée.

La carte principale faisait la part belle à des hommes ayant combattu régulièrement ces dernières années. Ainsi Tony Sims, quatre fights livrés en 2015, s'inclinait par soumission aux mains d'Abel Trujillo, dont la précédente prestation dans l'Octogone remontait seulement à novembre. La précipitation semble être la cause majeure de cette défaite tant l'étranglement en guillotine a été exécuté sans avoir été préparé en amont.

Le Brésilien Diego Brandao, élève de la fameuse école de Greg Jackson, avait bien réagi suite à la correction subie face à Notorious Conor McGregor en 2014, en l'occurrence deux succés par TKO au premier round. Il tentait la passe de trois devant Brian Ortega, jeune prodige de la Black House, encore invaincu. Malgré son statut de ceinture noire de JJB, Brandao privilégiait logiquement son goût pour le stand up afin de faire la différence. Quitte à sérieusement puiser dans ses ressources avec de larges crochets en dirty boxing, semblables à ceux de son idole Wanderlei Silva.
La rencontre prenait ainsi des allures de classique striker vous grappler. Ortega laissait filer les deux premiers rounds sans s'affoler pour trouver le sol au cours du 3e, il réalisait de superbes transitions entre tentatives de clé de bras, guillotine et finalement étranglement en triangle fatal. Cette dangereuse mais redoutable stratégie prouvait une nouvelle fois son efficacité, quelques mois après sa victoire sur le fil devant Thiago Tavares.

La carte préliminaire interpellait par la présence de combattants confirmés, chacune justifiée par une histoire spécifique. Ainsi Michael McDonald, l'homme qui faillit devenir à 22 ans le plus jeune champion de l'histoire de l'UFC, payait ses deux ans d'absence (blessures en série). Il s'en fallut de peu pour que la sanction soit double quand le Japonais Masanori Kanehara lui appliqua un Arm-Triangle Choke, mais Mayday trouvait les ressources pour s'extirper et finaliser son adversaire d'un étranglement arrière. Ce beau come-back lui valut d'ailleurs le bonus Performance of the Night, de quoi espérer figurer en plus haut lieu à l'avenir.


Poirier et duffy relégués

Où seront situés Dustin Poirier et Joseph Duffy lors de leur prochaine sortie  ? Assurément plus haut que cette place en pré-préliminaire, rendant ce choc poids légers accessible aux seuls abonnés de l'UFC Fight Pass. Les deux protagonistes devaient à l'origine tenir le main event du show de Dublin en octobre. Duffy s'était désisté dans la dernière ligne droite, entraînant perte de standing de la carte proposée et foudres de Dana White. Aussi est-ce difficile de ne pas voir une sanction dans cette soudaine plongée dans l'anonymat. Le sociétaire de l'American Top Team n'en a eu cure, délivrant une sorte de best of de MMA moderne face à un Irlandais méconnaissable. Le verdict des juges fut sans appel, notamment un 30-26 témoignant d'un round dominé sur le score rarissime de 10-8.
Poirier porte son score UFC à un superbe 11-3 et pourra bientôt revendiquer un title shot. Ses seules défaites furent face à des figures reconnues dont Conor McGregor. L'ombre du nouveau champion des poids plumes planait doublement sur la rencontre puisque Duffy est le dernier homme en activité à l'avoir vaincu (soumission par Arm-Triangle Choke au Cage Warriors en novembre 2010). La probabilité d'un inédit championnat du monde entre Irlandais s'éloigne un peu plus.

Pour conclure sur les enseignements de la carte préliminaire, notons deux échecs à la décision partagée pouvant s'avérer fatals  : celui de Kyle Noke, poids moyens à la trajectoire illisible depuis son arrivée dans l'Octogone en 2010 (6-4), dominé par le nouveau venu Alex Morono ; de même pour l'ancien champion du Bellator Joe Soto, s'inclinant devant le jeune Michinori Tanaka, plus vu depuis septembre 2014. Soto, challenger roue de secours de TJ Dillashaw, a sans doute connu la défaite de trop (0-3 à l'UFC) pour espérer conserver sa place dans la compagnie.


Miocic coupe court au revival arlovski

Un glorieux ancien voulait prolonger ses rêves de reconquête dans la division poids lourds  : Andrei Arlovski, auteur d'un retour tonitruant en 2014-2015 avec notamment des KO infligés à Travis Browne et Antonio Silva. Lorsque le Biélorusse mangeait son pain noir au StrikeForce face à Brett Rogers, Sergei Kharitonov ou... Antonio Silva, personne ne se serait aventuré pronostiquer une place dans le top 5 de l'UFC un jour. Pis, l'ennemi mythique de Tim Sylvia (quatre affrontements entre les deux) était étiqueté " mâchoire de verre " tant Fedor Emelianenko l'avait envoyé valser d'un coup début 2009. Mais c'était oublier le savoir-faire du champion UFC qu'il fut en 2005, le striker redoutable jusqu'à la fin des années 2000, le tombeur de prestigieux concurrents tel l'actuel tenant du titre des poids lourds Fabricio Werdum, battu à la décision en 2007.
Stipe Miocic lui disputait le prochain ticket pour le championnat du monde de la division. À l'origine programmé pour affronter Ben Rothwell (autre vieille victime d'Arlovski) sur la carte européenne d'octobre, le Croate partait favori face au vieux loup. Logique tant sa boxe anglaise est éloquente, à l'image de sa dernière performance sidérante devant la montagne Mark Hunt.
Miocic n'a pas laissé le doute s'installer en enchaînant crochets gauches et directs du droit face à un Arlovski kamikaze pour obtenir sa reddition au 1er round. L'observation aura été brève, pour ne pas dire inexistante. Étonnant manque de clairvoyance du Pitbull, pourtant largement plus expérimenté que son rival en MMA (37e combat contre le 16e seulement pour Miocic). Le rêve semble brisé pour toujours.
Il s'agit de la onzième victoire par KO/TKO (sur quatorze) pour le compatriote de Cro Cop. Elle devrait être suffisante pour défier le vainqueur de la revanche Werdum/Velasquez (UFC 196,6 février)... Sinon le doute instauré par Alistair Overeem lors du dernier gala de 2015. En effet, le Néerlandais a mis KO Junior Dos Santos à la surprise générale, soit le même Brésilien qui avait dominé Stipe Miocic un an plus tôt. Selon les disponibilités des uns et des autres, une remise en cause du title shot n'est pas à exclure.


L'absence de style serait donc un style

Avec Robbie Lawler, le débat est toujours le même  : comment un pratiquant au background si limité (excellente boxe anglaise et lutte utilisée a minima) peut trôner au sommet de sa division  ? Vaincre des hommes objectivement plus complets et talentueux que lui  ? Après Johny Hendricks, Rory MacDonald, voici venu au tour de Carlos Condit de se casser les dents sur cette impossible équation.
Entendons-nous, l'ancien équipier de Georges St-Pierre alias The Natural Born Killer alias The Albuquerque Assassin, est l'incarnation du MMA moderne dans toute sa superbe, doté de facultés multiples en pieds/poings, d'un corps à corps solide, d'un sens du déplacement pointu, d'un jeu au sol complet (ses treize victoires par soumission en témoignent), d'une capacité à délivrer des frappes de tous bords. Cependant, Condit pêche régulièrement par son déficit de puissance, celui-ci même qui l'avait empêché de finir un GSP touché de plein fouet un certain soir de novembre 2012. Si Carlos rate toujours la dernière marche et s'incline si souvent lorsque le combat va à son terme (cinq de ses sept duels conclus à la décision), ce n'est pas le fruit du hasard.

Plongeons-nous plus précisément dans ce championnat du monde  :
1er round Lawler semble appliquer un game plan déterminé, à savoir la voie de l'observation pour jauger de la meilleure manière de contrecarrer les initiatives de son challenger. Quant à Condit il vient se coller contre la grille pour mieux imposer la distance avec ses jambes. Le champion occupe l'espace, fixe son adversaire, ne frappe qu'avec parcimonie dans un premier temps, accélère à 3 : 30 mais subit un contre redoutable qui l'envoie brièvement au sol. Fort de cette séquence, Condit prend le contrôle et avance avec une variation de kicks. Ceux-ci servent avant tout à amener des combinaisons de poings tranchantes. Malgré d'autres tentatives moins heureuses (coup de coude retourné dans le vide notamment), le challenger remporte incontestablement cette reprise.
Les statistiques de striking à trente secondes de la fin  : 7/16 pour Lawler, 24/55 pour Condit.


2e round lawler rééquilibre les débats

L'engagement de Lawler au gong témoigne d'une volonté nouvelle. À la fois imposer son rythme et positionner l'affrontement au centre de l'Octogone. Cette fois, il anticipe bien mieux les assauts de son concurrent, terminant le plus souvent dans les gants, quant ce n'est dans le vide. L a tournure du combat prend forme au cœur de cette reprise  : le qualitatif de Lawler contre le quantitatif de Condit. À ses risques et périls le champion attend l'ouverture... Et la trouve avec un crochet droit. L'échange se poursuit avec l'unique phase au sol de la joute. Malgré la top position, Lawler ne peut exercer qu'un bref ground & pound tant la défense du Natural Born Killer est parfaite, aussi opte-t-il pour se redresser. Hormis cette séquence déterminante, le reste du round reprend le schéma établi au début. Dans pareil cas, le knockdown prime, donc avantage Lawler.
Les statistiques de striking à quarante-cinq secondes de la fin témoignent de l'important déchet dans les frappes du challenger  : 15/36 pour Lawler, 45/121 pour Condit.


3e round puissance contre volume il faut choisir

Le combat redémarre dans des rôles similaires  : Condit fait valoir sa panoplie complète de mixeds martials artist, tandis que Ruthless s'immisce dans les brèches pour asséner des contres explosifs. À noter parmi ceux-ci un high kick, attaque rarissime de la part du tenant du titre. Les nombreuses initiatives du challenger sont systématiquement contrées dans les deux premières minutes. La suite est plus timide, dominé par de multiples déplacements et attaques inabouties.
Cette reprise est indéniablement la plus équilibrée du combat, et a posteriori celle qui a fait la décision. Deux écoles s'opposent alors  : celle jugeant les intentions validerait la stratégie de Condit, celle valorisant les impacts trancherait pour Lawler. Au revisionnage à tête reposée, un constat s'impose  : un seul homme s'est retrouvé acculé durant ce round  : Condit lors du high kick couplé de percussions aux poings. Avantage donc de peu au champion.
Les statistiques de striking du round 3 sont dévoilés à trente secondes de la fin  : 8/18 pour Lawler, 19/71 pour Condit.


4e round condit réappuit sur l'accélérateur

Après un démarrage un brin décousu, les échanges se fluidifient au cœur de l'Octogone. Le travail aux jambes effectué par Condit commence à payer. Ainsi Lawler perd plusieurs fois son équilibre, est forcé de reculer sans administrer les fameux contres des rounds précédents. L'ultime minute tourne au calvaire pour lui, désormais dépassé par la créativité de son opposant.
Conclusion  : une première moitié plate, une deuxième entièrement en faveur du challenger, round au bénéfice de Condit sans contestation possible.


5e round et décision, insatisfaction oui, vol non

Les deux hommes sont à égalité dans le pointage cumulé des juges à l'orée de cette ultime reprise, mais ils ne le savent pas  : Condit s'estime légèrement devant, Lawler se pense derrière et va chercher à conclure les débats. Dans quelle mesure ces sensations influent-elles sur leur degré d'implication pour les cinq dernières minutes  ? Le champion prend tous les risques pour perforer la garde adverse, Condit se retrouve dans le rôle de contre-attaquant pour la première fois. La posture semble convenir au challenger puisqu'il assène une série de coups de coudes efficace
Les statistiques globales de striking sont dévoilées à mi-round, confirmant le fil rouge de la rencontre  : 43/106 pour Lawler, 140/394 pour Condit.
La volonté du champion souffre de la prévisibilité de ses frappes, contenues pour l'essentiel. Un coup de mou gagne néanmoins Condit à 1 : 30 de la fin du round, ce dont profite Ruthless pour fondre sur sa proie. Si l'on excepte les trente secondes qui suivent, le challenger aura encore le jus nécessaire pour tenir l'échange jusqu'au bout. Ce coup de genou sauté tenté à vingt-cinq secondes de la fin en atteste. Non, Condit n'était pas au bord du KO, il conservait pendant cette phase orageuse toute la vista du merveilleux combattant qu'il est. A-t-il néanmoins laissé filer la reprise en faveur de son opposant  ? Oui... Là aussi d'une très courte tête.

Décision Deux juges donnent 48-47 en faveur de Lawler, le troisième le même score au bénéfice de Condit. Plus que la notation jugée défectueuse, la déception du fan aguerri de MMA provient du fait de voir triompher la besogne efficace au talent multidimensionnel. Mais si l'on pose la problématique autrement, on saluera l'aptitude de Lawler à rivaliser avec les meilleurs malgré un arsenal limité.
Plus que d'une décision controversée, il faudrait parler d'une décision insatisfaisante, non pas en vertu de la conjoncture propre à ce combat, mais par nature.
Pour synthétiser en une formule plus simple  : Carlos Condit a davantage dominé les rounds 1 et 4 que Lawler n'a eu le dessus lors des rounds 2,3 et 5. Cependant, aucun des rounds remportés par le challenger ne méritait un 10-8. Sa production s'est donc traduit en une valeur toute relative.
Avec une notation globale du combat façon Pride FC, Carlos Condit aurait été sacré champion.
En vertu du 10-9 system, dont les failles ne sont plus à démontrer (mais qui recèle la qualité majeure de " transparence " via les scoring cards), Robbie Lawler conserve sa ceinture sans qu'il n'y ait à crier au scandale.
Pourtant lui-même nuancera immédiatement ce succès, autant que Dana White dans la conférence de presse suivant l'événement. Faut-il accabler les seuls juges quand le débat sur le 10-9 round system n'a jamais été posé  ? Peut-on imaginer un système d'évaluation mixte  ? S'il fallait une révolution dans le MMA en 2016, ce serait peut-être celle-là...
L'auteur : Emilien Bartoli
41 ans, Toulouse (France).
Publié le 18 mai 2016
Modifié le 16 mai 2016
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