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Roger Vergé, l'homme aux cent étoiles

Aux antipodes des incultivables qui, par voie de conséquence sont plutôt limités et n'ont jamais su lire qu'Aimé Jacquet dédiant sa vie à une étoile (celle du football), Roger Vergé a su au contraire quant à lui se cultiver et s'enrichir d'une immense bibliothèque ou s'entassent de multiples ouvrages sur la cuisine et la gastronomie, accompagnant ainsi sa vie complète et son savoir-faire culinaire vers une centaine d'étoiles (cumul aidant) au célèbre guide désormais devenu Rouge.


Issu d'une modeste famille dont le père était forgeron et la mère femme de ménage, Roger Vergé voulait initialement, tel Latécoère, devenir pilote de ligne et s'envoler vers les étoiles d'un ciel prometteur, mais son Breguet XIV (l'avion de Pierre Georges Latécoère ndlr) à lui devint rapidement la marmite de sa tante Célestine et une curieuse envie de comprendre ce qui s'y tramait commençait sérieusement à prendre le pas vers un autre destin; celui de la gastronomie. C'est ainsi que son apprentissage des saveur passa par La Tour d'Argent, le Plaza Athénée, et s'exporta entre autres à l'hôtel Le Mansour à Casablanca et à l'Oasis à Alger, assumant les rôles de chef de partie et chef rôtisseur.
Peut-être par nostalgie pour sa vocation première, Roger Vergé part enfin parcourir les aéroports du contient africain où dans la foulée, il crée une chaîne de relais aériens. Kenya, Zimbabwe sont quelques-unes de ses escales, ainsi qu'au Zaïre (actuelle République du Congo) où il fait la connaissance de Mobutu 'son père, Albéric Gbémani, est chef cuisinier chez les missionnaires capucins de Molegbe, en pleine brousses équatoriale. Il transmettra à son fils - futur Président du Zaïre - le goût simple des mets raffinés), ce qui rapprochera d'ailleurs les deux hommes (Alors que mon père Fernand Lange, quant à lui organisait les grandes remises du Président lors de ses déplacements en Belgique ndlr).
Son retour en France eut lieu dans les années 60 et, riche d'une longue expérience, il à sublimé des saveurs et parfums inédits de toutes les contrées du monde. Il s'initiera à mettre en place un mouvement culinaire désormais reconnu et surnommé aujourd'hui la cuisine du soleil. Un passage au Club de Cavalière 'un hôtel situé entre Saint-Tropez et le Lavandou) lui confère début de renommée (deux étoiles au guide Michelin). Pourtant, la carrière que tous lui connaissent actuellement, pour avoir été et être toujours porté au pinacle, débute réellement au Moulin de Mougins (Alpes Maritimes), en bordure de Cannes. Là, avec son épouse, Denise Lambercier, il reçoit sa première étoile un an après l'ouverture de son restaurant, soit en 1970, la seconde étoile, quant à elle arrivera en 1972 et le sommet sera atteint en 1974 où le Guide Michelin lui décernera la suprême récompense : une troisième étoile.
Le monde des artistes affluent (César, Arman, Tobiasse, Pagès, Sosmo, Folon dont il fut dernièrement le garçon d'honneur à l'occasion de son mariage) et transforme progressivement le Moulin de Mougins en un quasi véritable musée où il fait bon aller déguster les mets les plus fins en admirant les chefs d'œuvre d'autres grands maître, mais de l'art cette fois. Les étoiles d'Hollywood y font un saut à chaque Festival International du Film de Cannes, dans le cadre du Gala de charité organisé par l'association AMFAR (The American Foundation for AIDS Research) et dont le dernier dîner permit de lever plus de 1.5 millions de $ pour la lutte contre le sida.Figure décole, Roger Vergé créa tout naturellement son école de cuisine où de grands noms de la gastronomie viennent se frotter au savoir du maître des lieux : Francis Chauveaux - La Belle Otéro - Hotel Carlton Inter-Continental-Cannes, Jacques Chibois - Auberge St-Jacques - Grasse, Alin Ducasse - Louis XV - Monaco, Patrick Henriroux - Pyramide Point - Vienne, Didier Oudii - Café de Paris - Biarritz, Michel Berring - Le Patin d'Or - Luxembourg, Nico Ladennis - Chez Nico - Londres, O-B Hubert Keller - Fleur de Lys - San Fransisco - USA, David Bouley - Bouley - New York - USA, Claude Rodier - Stouffer Hôtel - Cleveland - USA, Soren Faksirop - Vancouver - Canada, John Murray - Manly - Australie, Philippe Aaubron - Japon, sont quelques des chefs à avoir fait leurs classes chez Roger Vergé qui dispense également des formations auprès du personnel de chaîne hôtellières tels que : Maritt (Etats-Unis), Trusthouse Forte (Grande Bretagne) Warwick School (Afrique du Sud). Plus anonymement, son école de cuisine accueille aussi des particuliers qui, soucieux de découvrir des préparations culinaires dignes de ce nom, viennent prendre leçon et savoir-faire auprès de Serge Chollet, responsable de l'école de cuisine et premier chef du restaurant de Mougins. De jeunes gens venus d'horizons lointains viennent également parfaire un apprentissage, pour un jour se réclamer Disciple de Roger Vergé.
L'école de Roger Vergé, niché à l'Amandier, autre restaurant de Roger Vergé au coeur même du vieux village de Mougins, bénéficia également de deux étoiles pendant de très nombreuses années. Aujourd'hui l'Amandier ne fait plus partie de la galaxie Vergé. L'Amandier en garde néanmoins une certaine aura.
Enfin Roger Vergé, c'est également (dans le vieux village de Mougins) une cave à vin une boutique d'objets d'art essentiellement destinés à la décoration de la table. Mais, c'est aussi des produits manufacturés (vin, confiture, glace, épices, etc...) et six livres consacrés à la gastronomie traduits en quatre langues.
Dans son bureau aux couleurs chaudes, Roger Vergé, avec sa crinière blanche, fait figure de vieux loup blanc pas encore au bout de ses forces et de ses ambitions ainsi que ce ses rêves. Là, devant moi, repose un savoir exemplaire sur la cuisine et sur les hommes, sur les motivations de ceux-ci, il en connaît un rayon, et c'est bien normal, car à soixante douze ans, l'homme a été côtoyé par les plus grands de ce monde, interrogé par tous les médias et télévisions de la planète. Ca et là des décorations par dizaines illustrent parfaitement une reconnaissance universelle (meilleur ouvrier de France, président des restaurants chef de France à Epcot Center à Orlando en Floride, Légion d'Honneur sous Mitterand, etc...) à ce maître des saveurs.
Peu avant les événements du 11 septembre, Roger Vergé avait ouvert, en étroite relation avec Roberto Rugieri, un restaurant dans Big Apple au Rockfeller Center, à deux pas de la 5th avenue. Baptisé Médi, ce concept repose sur un harmonieux mariage entre Provence et Toscane. Les dramatiques événements du 11 septembre ont poussé Roger Vergé à se retirer de cette affaire.

Mais si l'homme a déjà réalisé beaucoup de choses dans sa vie, il nous confie avec une certaines lueur dans les yeux qu'il lui reste encore tant de choses à accomplir, qu'une recette de cuisine, c'est un peu comme la vie, rien n'est vraiment jamais terminé. En effet, un projet sort lentement des cartons et verra probablement le jour sous peu à Mougins, un complexe hôtelier d'une cinquantaine de chambres dans le style Bel Air à Los Angeles.
Pour l'instant, la galaxie Roger Vergé, un an après le 11 septembre, accuse plutôt bien le coup, même si au début, cela se traduisit par un certain recul financier, celui-ci semble bien être rattrapé aujourd'hui et Roger Vergé devrait même finir l'année en progression. Mais lorsque l'on réalise un chiffre d'affaire de près de 6 millions d'euros, a-t-on vraiment de quoi se plaindre! Il fut apparemment plus choquant pour ce loup blanc de perdre une étoile, voire deux étoiles au Guide Rouge, que l'effet des attentats sur sa trésorerie générale.

Voyage & Presse
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Publié le 07 mars 2004
Modifié le 07 mars 2004
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