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Sakho, le sauveur de la nation

Buteur du premier et du troisième but de l'équipe de France dans sa victoire contre l'Ukraine, Mamadou Sakho a envoyé les Bleus pour le Brésil et pris une sacré revanche sur deux dernières saisons compliquées.


Depuis ce fameux mardi soir, Mamadou Sakho n'est plus vraiment le même homme. Bien évidemment, au fond, il n'a pas changé. Il est toujours ce garçon sympa, tranquille, léger qui a fait son charme pendant les vingt-trois premières années de sa vie. Le caractère n'a pas changé d'un poil mais son image auprès du public s'est, quant à elle, quelque peu modifiée. Ses deux buts inscrits lors du match retour de barrages face à l'Ukraine (victoire 3-0 avec deux buts de Sakho et un de Benzema) n'y sont pas pour rien, c'est une certitude. Déjà, deux jours avant la rencontre, en conférence de presse, il avait fièrement annoncé la couleur "mardi, il y aura une guerre à gagner et j'ai simplement envie d'en être, de me battre pour aller à cette Coupe du Monde. Arrêtons de parler et montrons enfin de quoi cette équipe est réellement capable de faire sur un terrain".
La qualification en poche, Mamadou Sakho allait fêter ses deux premiers buts comme cela se devait. Il est allé rejoindre Olivier Giroud et Eric Abidal au centre du terrain. Il a chanté la Marseillaise à pleine voie et a attendu patiemment son tour. Une fois le micro dans sa main, il a tenté de marmonner deux ou trois mots sans vraiment savoir ce qu'il était en train de dire. Les mots étaient dissimulés derrière des sanglots. On comprit simplement la fierté ressentie d'avoir su amener la France de l'autre côté de l'Atlantique. Mais, à peine le temps de sourire et d'envoyer de l'eau sur les journalistes qu'il fallait reprendre la route, quitter Saint-Denis et rejoindre Liverpool pour préparer un match capital contre Everton, l'ennemi de toujours. Sakho n'a pas participé à ce derby explosif (3-3) mais à le voir en sortant du stade aux côtés de Luis Suarez et Steven Gerrard, on ne pût s'empêcher de revenir sur sa vie et son début de carrière.
Mamadou Sakho est un gamin de Paris qui a souvent déménagé entre le dix-huitième, le douzième et le vingtième arrondissement. La capitale, il la connait par coeur et comme tout bon Parisien, il soutient le Paris-Saint Germain. L'écharpe est encore accroché au dessus de son lit dans l'appartement de sa mère. Il joue en bas des tours avec les copains ou sur les pelouses avec ses clubs de jeune. Déjà à huit ans, le jeune Sakho développe une âme de leader, n'hésitant pas une seconde à donner des consignes à des enfants deux années plus âgés que lui "je jouais déjà derrière. J'étais un peu le seul. La majorité voulait jouer devant, marquer des buts pour imiter Pauleta ou Henry mais ce n'était pas mon cas. Mes modèles étaient plutôt Thuram ou Canavarro. Je préférais voir le jeu devant moi et défendre mon but, protéger mon gardien de but". A treize ans, il débarque au Camp des Loges, le centre de formation du PSG. Ce bonheur est rapidement masqué par la perte de son père. Un évènement qui l'a fait changé "je me suis endurci. Avant, je jouais pour que ma famille soit fière et parce que c'était mon style de jeu. Après la mort de mon père, j'avais un autre but et ça m'a donné une force incroyable".


Pas retenu par blanc pour l'euro

Il est rapidement remarqué par Paul Le Guen qui l'aligne et le fait capitaine dans un déplacement à Valenciennes alors qu'il n'a que dix-sept ans en réponse à des dernières performances parisiennes poussives "c'était bizarre. J'étais jeune mais j'avais déjà fait parti du groupe professionnel. Je les connaissais alors c'était étrange de prendre leur place comme si c'était une punition mais évidemment j'étais comme un gosse le jour de Noël". Sous l'ère Paul Le Guen, il figurera dans le groupe sans réellement être dans ses petits papiers. Ce dernier le trouve trop jeune, pas assez expérimenté. Tout va changer avec l'arrivée d'Antoine Kombouaré à la tête du club de la capitale. Le kanak compte particulièrement sur Mamadou Sakho dont le profil de guerrier infranchissable le séduit. C'est d'ailleurs avec l'ancien entraîneur de Valenciennes que Sakho trouvera une place de titulaire et bientôt de leader incontournable. Il forme avec Zoumana Camara un duo très convaincant. Kombouaré note encore quelques progrès à faire dans la relance et dans la propreté des interventions mais il note également que son engagement sans faille suffit à combler ses quelques défauts "mes meilleures années ont été avec lui parce qu'il m'a pris sous son aile. Il me parlait beaucoup, me donnait des conseils. J'ai extrêmement progressé quand il était l'entraîneur de Paris. J'ai joué des matches européens et surtout, il m'a ouvert les portes de l'équipe de France"
L'équipe de France. A entendre la voix de Sakho en prononçant ces trois mots, on sent que ces trois-là ont beaucoup d'importance pour le Parisien. Il est appelé par Laurent Blanc pour son premier match à la tête des Bleus en août 2010, après la déroute de Knysna, contre la Norvège (défaite 1-2). Ce soir-là, il ne joue pas. Sa première sélection, il l'honore en juin 2011 contre la Biélorussie. Une grande première qui ne se passe pas aussi bien qu'il l'aurait voulu "j'étais crispé et incapable d'être moi-même. Je n'étais pas sûr de moi et j'ai vraiment fait un match pourri". Heureusement pour lui, Laurent Blanc ne lui en tient pas rigueur et décide de l'aligner trois jours plus tard en amical en Ukraine (victoire 4-1) où le défenseur central du PSG apparaitra bien plus à son avantage. Ses débuts en équipe de France entre ombre et lumière font apparaître un problème récurrent : le manque de confiance en soi. La preuve, il aura fallu que Blanc lui réitère sa confiance pour qu'enfin, le gamin se libère pour devenir l'adulte qu'on attendait dans la défense centrale française. Ce problème ressurgit quand les Qataris arrivent au PSG quelques semaines après cette première expérience en sélection nationale. Leonardo arrive et dès le début, l'entente entre les deux n'est pas vraiment cordiale "c'est surtout qu'il était froid avec moi. C'était peut-être son style mais j'avais l'impression qu'il ne me trouvait pas assez bon pour être titulaire dans un club comme le PSG qu'il voulait construire".


Ancelotti ne compte plus sur lui

Kombouaré continue de l'aligner mais préfère lui mettre Sylvain Armand, plus expérimenté, à côté pour rassurer Leonardo qui craignait que Sakho ne soit trop jeune. Avec Armand, la défense parisienne aura des allures de forteresse imprenable bien que l'association de deux gauchers paraissait compliquée. Malgré un titre honorifique de champion d'automne, Antoine Kombouaré est gentiment invité à quitter la place, Leonardo ayant trouvé un accord avec Carlo Ancelotti dont la renommée plait beaucoup aux dirigeants Qatariens. La donne est changée. Arrivé en milieu de saison, le technicien italien ne croit en cette charnière et décide d'enrôler Alex qu'il avait lui-même entraîné à Chelsea. Le Brésilien est associé à Sakho jusqu'à la fin de la saison. Seulement, Sakho n'est pas dupe. Il sent que sa relation avec Ancelotti n'est pas la même que celle qu'il pouvait avoir avec le Kanak et commence à entendre que Leonardo, sous la pression d'Ancelotti, chercherait à renforcer le secteur défensif. Des noms comme David Luiz ou Thiago Silva se font entendre dans les travées du Parc des Princes. C'est le dernier nommé qui posera ses valises à Paris. Dès lors, il sait qu'il n'est pas le premier choix dans l'esprit de son entraîneur "c'était compliqué. Je jouais pas trop mal ou au moins j'en avais l'impression et voilà que déboule le meilleur défenseur axial du monde. En plus, il est Brésilien comme Alex. Je sens que récupérer ma place de titulaire sera très difficile".
Sakho s'accroche et profite des blessures de l'un ou de l'autre pour montrer ses preuves. Particulièrement mauvais au début de la saison dernière, parce qu'il avait du mal à tourner la page d'un Championnat d'Europe où il ne figure pas dans la liste de Laurent Blanc, il se ressaisit en deuxième moitié de saison, retrouve une place en équipe de France. Il devient Champion de France, lui qui a connu les années les plus compliquées dans les rangs du PSG. Lui, l'enfant de Paris devient champion avec le club qui l'a fait rêver étant enfant. Le meilleur moment pour quitter le nid ? Il n'y pense pas. Il prend le temps de la réflexion tout en sachant que des équipes françaises mais également étrangères se renseignent sur lui. Il patiente car décider de partir du PSG- sa seconde famille- n'est pas une mince affaire "il fallait attendre, réfléchir, discuter pour prendre la meilleure décision pour ma carrière. J'ai parlé à Laurent Blanc qui venait d'arriver. Il m'a dit qu'il comptait sur moi mais qu'il ne soumettrait aucune résistance si une belle offre se présentait. Et puis Marquinhos a débarqué et mes priorités me sont apparues". Le Paris Saint Germain débourse près de trente-cinq millions d'euros pour s'attirer les services du jeune défenseur de l'AS Roma. Devenu numéro quatre dans la hiérarchie des défenseurs centraux, Sakho sait qu'il ne jouera pas souvent ou sinon de simples bouts de matches, ce qui ne semblait pas être la meilleure alternative dans une saison de Coupe du Monde. Laurent Blanc lui conseille d'accepter une offre émanant des dirigeants de Liverpool. Il sait que c'est dans la ville des Beatles qu'il a le plus de chance d'évoluer au plus haut niveau et cette Coupe du Monde, il ne compte pas la manquer. Deschamps lui fait confiance mais il lui faut absolument jouer et ne pas prendre le risque de connaître la même mésaventure qu'en 2012 "je n'étais pas sûr d'y être mais j'y croyais quand même. C'était un échec pour moi, une réelle déception parce que jouer une grande compétition sous les couleurs de ton pays, c'est le plus grand rêve d'un footballeur".
Mais le chemin du Brésil passe par Kiev. Il est dans le groupe mais Deschamps lui préfère Abidal et Koscielny. Il voit la déroute du match aller du banc des remplaçants. Koscielny expulsé, Abidal dépassé, Sakho sait qu'il jouera le match retour au Stade de France. La suite, on la connait. Il a fait comme son modèle Lilian Thuram. Il a inscrit ses deux premiers buts avec le maillot bleu lors du même match et ses deux réalisations pleines d'engagement et d'envie furent capitaux. Trois jours plus tard, il ne jouera pas le derby mais il reviendra, c'est une certitude. Il l'a fait en équipe de France, il y parviendra à Liverpool. Quoi qu'il en soit, il a sauvé la patrie et sera de la partie au Brésil...
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L'auteur : Fruitier Manu
29 ans, Paris (France).
Publié le 16 décembre 2013
Modifié le 16 décembre 2013
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